obstacle à ce développement, auquel cas on verrait la violence entrer en scène, les « cheveux épars, les sandales d’airain aux pieds. » Les révolutions, dit Liebknecht, ont toujours un caractère délensif du peuple contre le pouvoir opposé aux réformes. A quoi bon d’ailleurs faire appel à la violence ? qu’on laisse aller les choses avec pleine sécurité, le petit nombre des riches augmenter l’armée des pauvres, l’excès de production et de spéculation amener krach sur krach, l’État moderne marcher à la banqueroute avec son fisc militaire, ses déficits, ses emprunts, sa dette énorme, ses conversions, qui ébranlent la position de la classe moyenne, la bourgeoisie en un mot conduire la société à sa ruine « comme une locomotive dont on ne peut faire jouer la soupape de sûreté. » Les circonstances semblent si favorables, que les socialistes allemands se disent maintenant d’accord avec leurs adversaires, les économistes libéraux de l’école de Manchester ; ils leur empruntent leur devise : laissez faire, laissez passer.
La période de transition de la société capitaliste à la société collectiviste ne pourrait être d’après Marx que la dictature du prolétariat, obtenue grâce au suffrage universel, à la fondation de la république démocratique. Cette ardeur révolutionnaire est aujourd’hui singulièrement attiédie chez les chefs du parti, bien qu’elle compte encore des partisans zélés parmi les socialistes berlinois qui font opposition à l’opportunisme de Bebel et de Liebknecht.
Les principes du collectivisme une fois posés, le programme de Gotha s’occupait de la puissance de l’État. Conséquence économique de la démocratie, le socialisme, en effet, implique une série de changemens politiques nécessaires à son organisation. Tout en déclarant que le parti, dans sa propagande, n’emploierait que des « moyens légaux, » les statuts résumaient les exigences politiques dans une sorte de mosaïque empruntée au programme du radicalisme extrême. Liebknecht, au congrès de Halle, a jeté tous ces articles par-dessus bord : « Le referendum, a-t-il dit, la législation par le peuple existe en Suisse, mais elle n’est possible que dans les petits états. La décision par le peuple de la paix et de la guerre, c’est la musique de l’avenir. » La justice par le peuple n’est pas non plus d’une application aisée. Il suffirait d’obtenir de l’état actuel « que la justice fût gratuite et que la défense le fût aussi, » ce qui ne serait pas, à vrai dire, le meilleur moyen de diminuer les procès. L’avocat, selon Liebknecht, et le médecin devraient être des fonctionnaires de l’État, et, de fait, ne venons-nous pas de voir l’État prussien tenter de s’attribuer le monopole