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L’ensemble de l’exploitation de la société des Salins, entre Cette et les Onglous, se rattache à trois centres ou bâtimens distincts, échelonnés le long de la voie ferrée. L’un d’entre eux, le plus éloigné de la ville, se suffit à lui-même ; le second, celui du Castellas, ne comprend que des écuries et des logemens pour le personnel fixe ou transitoire ; le troisième, celui de Villeroy, sert d’annexe au vaste cellier commun à toute l’étendue des domaines du Castellas et de Villeroy. La position des caves est forcément excentrique ; mais elle a été déterminée par l’obligation où l’on se trouvait de ne pas construire trop loin des routes charretières, qui toutes s’arrêtent à une faible distance du mont Saint-Clair. Il ne faut pas oublier que l’isthme de sable que la ligne ferrée a mis à profit n’est, en revanche, doté d’aucun chemin public.

Une voie Decauville permanente, large de 50 centimètres, tantôt double, tantôt triple, rend du reste les communications très faciles d’un bout à l’autre de l’immense vignoble. Suivant la saison, les wagonnets charrient fumiers ou raisins, et quelques-uns d’entre eux, aménagés en petits tramways rustiques, transportent les employés, les ingénieurs ou les visiteurs. Grâce à un système fort ingénieux de plaques tournantes mobiles qu’on ajuste sur les rails fixes, et au moyen de rails volans perpendiculaires à ceux-ci, les chariots, pleins ou vides, peuvent être entraînés le long de la voie permanente jusqu’à la hauteur du plantier à desservir ; puis, pivotant sur eux-mêmes par l’exécution de la manœuvre que chacun connaît, ils pénètrent au milieu même des rangs de souches pour déposer leur chargement d’engrais ou recevoir le contenu des seaux de vendange. De cette manière, le trajet moyen du « porteur » ne dépasse pas une quinzaine de mètres, et le temps que l’ouvrier perd à cheminer est réduit à son minimum.

Suivons un des convois chargés de raisins, que nous voyons circuler à tout instant, remorqués par des mules. Nous verrions, comme naguère à l’exploitation de Tamariguière, les grappes à demi écrasées s’élever à la hauteur d’un premier étage. Mais alors intervient une grave difficulté ; celle de les fouler complètement, afin d’en exprimer tout le jus. On s’imagine, à première vue, que rien n’est si facile que d’extraire le moût de ces gros fruits parfaitement mûrs. L’opération n’est pas si simple qu’elle en a l’air ; les ingénieurs déploient toute leur sagacité pour arriver à faire suinter jusqu’aux dernières gouttes ; et encore ne sont-ils pas satisfaits, car nous voyons expérimenter devant nous un nouvel appareil d’écrasement. Avec l’ancien système, deux cylindres tournant en sens inverse, sous l’impulsion de la machine à vapeur qui met tout en branle, broient tant bien que mal les picpouls et les