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international tenu à Lausanne au moins d’août 1877, l’idée émise n’avait pas fait grand progrès, car on ne lit dans les comptes-rendus de l’assemblée que cette phrase vague : « Les terrains sablonneux semblent être un obstacle pour l’insecte. » Mais, quelques mois plus tard, les viticulteurs de Montpellier étaient plus avancés ; pendant que M. Henri Mares leur indiquait les avantages pratiques du riparia, un autre viticulteur, M. Gaston Bazille, signalait l’immunité des sols sableux comme « un fait acquis sur lequel il est inutile d’insister. »

Divers auteurs ont admis que, par suite de la capacité hygrométrique des sables, l’eau du sous-sol, remontant à la surface, opérait sur l’insecte un effet analogue à celui de la submersion. Les observations de M. Marion, réalisées en 1878, à Marseille, dans le champ d’expériences du cap Pinède, démontrèrent l’inanité de cette théorie. On creusa une fosse dans un sol argileux très sec ; on la remplit avec du sable d’Aigues-Mortes ; des pieds enracinés, âgés de deux ans, et couverts de phylloxéras, furent plantés dans ce sable. Au bout d’un mois, toutes les racines de ces plants étaient débarrassées des pucerons qui les couvraient auparavant. Les sables, bien que dépourvus d’humidité, jouissent donc d’une véritable « capacité insecticide, » que le savant professeur marseillais attribua simplement à la ténuité et à la mobilité des particules sableuses qui étouffent le phylloxéra. Telle est l’opinion qui a prévalu. Toutefois, plus récemment, un naturaliste russe a entrepris des recherches fondées sur un autre ordre d’idées, soupçonnant le sable de receler des « bactéries » susceptibles d’attaquer le fatal insecte.

Avant que le terrible fléau ne vînt ravager plaines et coteaux, et, par contre-coup, modifier, dans une large mesure, les conditions de culture dans le Bas-Languedoc, la vigne était bien peu répandue dans les sables du littoral méditerranéen. On ne vendangeait guère que dans les parages d’Aigues-Mortes ; planter en grand dans ces pays reculés, dans ce sol mobile à l’excès, eût semblé une folie. La bande sableuse dont Aigues-Mortes occupe à peu près le centre et la partie la plus large, commence en Camargue, et, d’autre part, à l’occident d’Aigues-Mortes, se prolonge vers Pérols, Palavas, Cette, de façon à isoler de la Méditerranée les lagunes de Mauguio, de Pérols, de Vie. A partir du hameau de La Peyrade, entre Frontignan et Balaruc-les-Bains, la zone des sables du rivage borde la petite mer intérieure qu’on appelle improprement l’étang de Thau, s’interrompt un instant à la hauteur de la florissante ville de Cette, ensuite court de plus belle jusqu’aux Onglous, non loin du volcan éteint qui domine Agde.