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Le greffage, même fait avec soin, entraîne donc toujours quelques mécomptes. De plus, il faut repasser bien des fois les souches, en été d’abord, en hiver ensuite, pour arriver à supprimer tout à fait les rejetons du pied américain, qui épuiseraient inutilement la plante et les racines françaises, dont la présence est un grave inconvénient, surtout au début. Mais, à force de patience et de travail intelligent, on finit par obtenir de superbes plantiers très réguliers, formés de souches à pied de riparia et à tête de race française, de souches productives et propres toutefois à braver le phylloxéra.

La résistance presque absolue du riparia aux attaques de l’insecte est un fait incontestable ; elle résulte, à ce qu’il paraît, de la fermeté relative des extrémités radiculaires sur lesquelles le petit animal rencontre une nourriture qui n’est ni assez facile, ni assez abondante pour favoriser sa multiplication ; c’est dans cette multiplication, à peu près sans limite sur les vignes de race européenne, que réside, en définitive, la vraie cause de la mortalité de celle-ci.

Au début, le riparia était rare et cher ; on greffait tant bien que mal sur des boutures un peu grêles de forts sarmens d’aramons et d’autres vignes indigènes. On pouvait craindre que la vigueur de ceux-ci, surexcitée par la greffe, en opposition avec toute la faiblesse d’un porteur demeuré mince, n’entraînât la production d’un bourrelet, suivie bientôt d’un décollement. Ces craintes ont été vaines jusqu’à présent, et du reste, la culture raisonnée du riparia ayant réussi depuis plusieurs années à produire des rameaux de fortes dimensions, l’équilibre entre les deux bois s’est maintenu, grâce à un phénomène de croissance simultanée.

Nous voici maintenant en présence d’une grave difficulté, car elle tendrait même, dans l’Hérault, à limiter sensiblement l’emploi du riparia greffé : celle de la chlorose. Lorsque, pendant l’été, un voyageur parcourt en wagon la ligne de Tarascon à Cette, il constate souvent, au milieu de vignobles verdoyans et prospères, des taches jaunâtres dont on serait porté a priori à attribuer l’effet à des attaques phylloxériques ; il n’en est rien cependant ; les racines de ces souches, examinées au microscope, ne dénotent pas l’atteinte de l’insecte. Ce sont tout simplement des riparia greffes malades. Rabougrissement de la souche ; couleur jaune des feuilles ; raisins petits, maigres, mûrissant mal ou pas du tout : tels sont les symptômes de la chlorose ou « cottis. » Que les symptômes s’exagèrent, le cep se dépouille peu à peu de son feuillage et meurt. Les ravages du « cottis » déconcertent souvent le propriétaire par leur marche capricieuse. Parfois, le mal ne se manifeste que plusieurs années après la greffe ; d’autrefois, le riparia languit déjà avant d’être