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souches très productives et peu délicates. Ils se trouvent aussi dans l’impérieuse nécessité de fumer copieusement, et cela les oblige par contre-coup à avilir un peu la bonté de leurs vins. Assurément il est permis de demander mieux que les crus produits par la basse vallée du Vidourle, mais n’oublions pas qu’il s’agit de cantons autrefois réputés rebelles à la culture de la vigne, que l’on a dessalés, drainés et mis en valeur en les couvrant de plantiers florissans. Quant aux procédés de vinification, ils se sont perfectionnés au point que le commerce accepte à très bon prix[1] et utilise ces vins de coupages loyalement et proprement fabriqués, sains et naturels. Tel a été le contre-coup du défrichement des marais de Marsillargues et de leur plantation en vignes. La culture du précieux végétal a entraîné un autre phénomène : de vastes étendues, absolument désertes au temps de Louis XIV, sont maintenant partiellement assainies et habitées par une population assez nombreuse qui décuple en automne.


III

Peut-être ne sera-t-il pas sans intérêt, en quittant la plaine de Marsillargues pour nous rapprocher de la ville de Montpellier et examiner d’autres méthodes de culture, de jeter un coup d’œil, en passant, sur les bourgs ou villages du pays de la vigne. Il n’existe que peu ou pas de hameaux, beaucoup de grandes ou de moyennes exploitations, avec paire et valets, mais plutôt fréquentées qu’habitées par les propriétaires, dont la plupart séjournent en ville, sauf à l’époque des vendanges, le tout entremêlé d’innombrables lopins de terre replantés en vignes fort bien entretenues et soignées. Le paysan qui les possède habite dans le centre communal, ainsi que les journaliers de profession qu’emploient les grands domaines. Beaucoup de ces petits propriétaires, ne trouvant pas à s’occuper chez eux toute l’année, se louent souvent comme travailleurs ou tâcherons chez leurs voisins plus riches. Les villages sont donc assez considérables, et la nécessité où beaucoup de cultivateurs se trouvent de posséder cave et vaisselle vinaire, d’entretenir un couple de mules ou de chevaux, contribue à augmenter leur étendue. Les maisons, pour la plupart neuves et propres, souvent même bâties avec luxe, attestent l’ancienne prospérité du pays, qui d’ailleurs est redevenu presque aussi

  1. En 1890, les vins de Marsillargues se sont vendus à un taux moyen de 17 à 19 francs suivant les circonstances.