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ne sont pas des intérêts négligeables. Nos ventes à l’étranger dépassent 3 milliards, dont plus de moitié se compose de produits fabriqués. En ce temps de concurrence universelle, l’industrie française a dû redoubler d’efforts pour conserver sa situation sur les marchés étrangers. Les manufactures s’établissent presque partout : chaque peuple perfectionne ses procédés de fabrication ; nos produits gardent la supériorité au point de vue de la bonne confection et du goût, mais par cela même ils se vendent cher et ils ont à soutenir la lutte contre les produits anglais ou allemands. Et voici que, par l’augmentation des droits de douane sur les matières importées que notre industrie met en œuvre, on se prépare à élever ses prix de revient ! En même temps, nous dénonçons nos traités de commerce, et les protectionnistes prétendent interdire au gouvernement d’en conclure de nouveaux. Nous voulons garder notre liberté. C’est très bien ; mais nous rendons la liberté aux autres. Par le vent de protectionnisme qui souille, et que nous avons largement contribué à déchaîner, les autres peuples ne sont que trop disposés à mettre leur liberté à profit en révisant, de leur côté, les tarifs, et en surtaxant les produits que nous étions habitués à leur fournir. Sans parler de l’Italie, avec laquelle la guerre des tarifs est ouvertement déclarée, nous sommes déjà menacés de représailles par la Belgique, par la Suisse, par l’Espagne, par tous nos voisins. Que les intérêts de notre exportation doivent être gravement lésés par cette nouvelle politique commerciale, cela n’est pas douteux. La commission des douanes n’y a pas pris garde.

Les traités de commerce ne contiennent pas seulement des clauses relatives au tarif des marchandises dont les parties contractantes désirent faciliter l’échange ; ils renferment ordinairement d’autres dispositions concernant la protection des personnes, le régime consulaire, la garantie réciproque de la propriété artistique et littéraire, etc. Ces dispositions étant indépendantes du tarif des marchandises, le gouvernement a pensé qu’en dénonçant les traités de commerce, il pourrait s’entendre avec les autres gouvernemens pour les maintenir en vigueur. Plusieurs gouvernemens se montrent, paraît-il, peu disposés à accepter cette combinaison ; les traités dénoncés seraient annulés intégralement, pour les tarifs et pour toutes les clauses annexes ; de plus, les conventions distinctes qui ont été conclues avec divers états pour la protection de la propriété littéraire seraient dénoncées et annulées en même temps que les règlemens de tarifs. L’œuvre de progrès, poursuivie depuis de longues années en vue de compléter, au profit de tous, le code des relations internationales, risquerait ainsi d’être compromise. Pour