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l’ancienne prohibition. Ce sont encore ces maudits tarifs de 1860 qui ont ruiné l’industrie, et il faut vigoureusement réagir. Quels argumens opposer à ces affirmations des intéressés, complaisamment endossées par la commission et par ses rapporteurs ? Personne, en France, ne s’est aperçu que nos grandes industries de la filature et du tissage soient dans un tel état de détresse qu’il devienne nécessaire de renforcer la protection dont elles jouissent. Les plus importantes des usines qui existaient avant 1860 sont encore debout ; un grand nombre d’usines nouvelles se sont créées sous le régime de 1860 que l’on prétend ruineux. Les quantités de fils et de tissus sortis de nos manufactures sont beaucoup plus considérables ; la qualité s’est améliorée, elle va de pair avec les progrès réalisés dans les autres pays, si même elle n’est supérieure, ainsi que l’attestent les expositions universelles de Paris, de Londres et de Vienne. Ce ne sont pas là des signes de décadence.

Consulterons-nous la statistique ? Celle-ci nous enseigne que, pour les fils de lin, il a été importé en 1862, au lendemain des traités, une valeur de 5,600,000 francs, et en 1888, une valeur de 8,100,000 francs. L’exportation de ces mêmes fils, fabriqués en France, a été de 3,100,000 francs en 1862 et de 9,800,000 francs en 1888. L’exportation dépasse aujourd’hui l’importation. Pour les tissus de lin et de chanvre, l’importation a été, en 1862, de 13,500,000 francs, et, en 1888, de 5,200,000 francs. L’exportation, de 14,700,000 francs en 1862, s’est réduite, en 1888, à 8,300,000 francs. Si l’exportation a décru, il en a été de même pour l’importation, et il est à remarquer que nos ventes à l’étranger, en 1888, sont demeurées supérieures à nos achats de la même année. Cette diminution, dans l’ensemble du commerce, tient sans doute à ce que la consommation des tissus de lin et de chanvre est remplacée en partie par celle du coton ou de la laine. Quoi qu’il en soit, puisque, d’après la statistique douanière, les exportations, tant pour les fils que pour les tissus, excèdent les importations, une augmentation des tarifs actuels ne paraît pas justifiable.

Pour le coton, l’importation des fils s’est élevée de 12,900,900 fr. en 1862, à 25,800,000 francs en 1888, et l’exportation, à peu près nulle en 1862, n’a point dépassé, en 1888, la valeur de 2, 700,000 fr. D’autre part, l’importation des tissus s’est élevée de 14,300,000 fr. en 1862, à 41 millions en 1888, et l’exportation de 62,300,000 fr. à 106 millions. — Donc, selon le langage des protectionnistes, la balance du commerce nous serait défavorable pour les fils, favorable pour les tissus ; d’où s’ensuivrait la nécessité de taxer davantage les fils et la possibilité de diminuer les droits des tissus de coton. La commission surtaxe les deux produits, les tissus comme les fils. Elle semble ne pas vouloir qu’un brin de fil étranger,