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des huiles étrangères, à moins de fermer les moulins… » Le rapporteur constate que, depuis trente à quarante ans, les facilités des échanges ont donné au commerce des huiles une impulsion extraordinaire, que ce commerce a décuplé et qu’il est loin d’avoir atteint tout son développement. Pourquoi, encore une fois, aggraver le tarif des douanes pour un article de consommation générale ? C’est la protection inutile.

Nous pourrions ainsi passer en revue tous les articles qui servent à l’alimentation. Pour tous ces articles, les anciens droits ont été augmentés, des droits nouveaux ont été établis. Augmentation pour le poisson et pour les fromages, création de taxes pour le lait, les œufs, le miel. Aucune denrée n’est épargnée. Jusqu’à la glace, qui n’avait pas encore été inscrite au tarif ! Elle figure dans le projet de la commission sous le n° 188 bis, « glace (eau congelée) », avec un droit minimum de 40 centimes par quintal, représentant 20 pour 100 de la valeur. L’importation de la glace en France atteint à peine 500,000 francs ; elle vient principalement de la Norvège et de la Suisse ; elle est utile, comme lest ou comme fret de retour, aux navires norvégiens qui fréquentent nos ports de l’Océan. Comment troubler, pour si peu, nos relations maritimes et commerciales avec la Norvège, alors que la consommation française absorbe facilement toute la glace qui lui est fournie ? L’honorable député de la Haute-Marne, qui a rédigé le rapport, plaide en excellens termes pour les habitans des montagnes de l’est, qui ne pourraient soutenir la concurrence des glacières suisses. Il s’agit donc ici de la protection par charité : car, en vérité, la concurrence étrangère est presque nulle ; ce n’est ni la Norvège, ni même la Suisse qui, avec des importations relativement très faibles, peut nuire à la production de celles de nos glacières qui sont établies dans des conditions désavantageuses. La véritable concurrence est en France même, et le tarif n’y peut rien.

Parmi les taxes qui intéressent les subsistances, il en est assurément qui comportent une discussion très sérieuse. Pour le blé, pour les bestiaux, pour le vin, on peut, en demeurant dans le système de la protection, discuter sur le chiffre plus ou moins élevé du droit de douane qu’il convient de leur accorder. En ces trois articles se résume, en quelque sorte, la protection agricole. Quant aux autres produits, la protection n’est pas utile ; elle peut même, dans bien des cas, être préjudiciable pour une partie de la population française. Voici l’observation très juste qui est exprimée dans le rapport concernant le fait : « Quelques-uns de nos collègues se sont préoccupés des entraves que ce droit sur une matière qui entre dans l’alimentation quotidienne pourrait apporter aux communications des villages situés sur nos frontières. » Il