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de droits vraiment excessifs. Est-ce donc à cela que doivent aboutir les progrès accomplis, en France comme ailleurs, dans toutes les branches du travail ? Il est permis, à première vue, d’éprouver un sentiment contraire et d’estimer que notre législation économique ne comporte pas cette réaction violente. Quoi qu’il en soit, le public a sous les yeux les pièces du procès. Le rapport général, rédigé par le président de la commission, et les rapports particuliers consacrés à chacun des articles du tarif, exposent les motifs des changemens que l’on voudrait apporter à l’ensemble et aux détails de notre législation douanière. Ces travaux considérables méritent qu’on s’y arrête. La doctrine de la protection n’est point ici en cause ; il suffit d’examiner si l’intérêt public commande de modifier présentement, dans un sens restrictif, les tarifs adoptés en 1860, à peu près maintenus en 1881, appliqués depuis ces deux dates, sauf de rares exceptions, tarifs assurément protecteurs, sous l’empire desquels la nation a vécu pendant plus de trente ans.


I

Le rapport général de M. Méline résume exactement et à grands traits les décisions adoptées par la majorité de la commission. Il faut, avant tout, sans se préoccuper d’aucune doctrine économique, protéger le travail national, atteint ou menacé par la concurrence du dehors, assurer l’emploi fécond de notre capital et les salaires de nos ouvriers, conformer notre conduite, sous peine de duperie, à celle des autres nations, qui, pour la plupart, viennent de hausser leurs tarifs de douane, compenser, au moyen de taxes suffisantes, appliquées aux produits étrangers, les charges énormes que les conséquences de la guerre de 1870 ont fait peser sur l’agriculture et sur l’industrie, accorder à l’agriculture, jusqu’ici négligée dans la rédaction des tarifs, une protection équivalente à celle dont l’industrie profite, renoncer aux traités de commerce, en un mot, rétablir dans notre législation économique la justice, l’égalité, l’indépendance. A l’appui de cette thèse, dont tous les argumens sont bien connus, le rapporteur général produit des statistiques tendant à prouver que, depuis 1860, sous le régime des traités, le commerce extérieur de la France a, non pas décliné, mais dévié de sa prospérité antérieure, en ce sens que le chiffre des importations est devenu plus élevé que celui de nos exportations : ce qui, dans les calculs de la balance commerciale, nous constituerait tributaires, débiteurs de l’étranger.