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complément sans qu’il fût nécessaire pour cela de copier servilement tout le système, dont bien des détails, signalés au passage, s’adapteraient mal à notre caractère et à nos habitudes sociales. La gymnastique suédoise n’est pas plus que la nôtre un système parfait. Seulement les reproches à faire à chacun des deux systèmes sont loin d’avoir la même portée. Le système suédois présente des lacunes, des desiderata ; le nôtre commet des fautes. La gymnastique suédoise manque peut-être d’exercices suffisamment athlétiques, et quand elle est appliquée à des hommes très robustes, on peut regretter qu’elle ne recherche pas assez l’effort. En revanche, la gymnastique française ne sait pas assez éliminer l’effort quand il s’agit des sujets pour lesquels il serait dangereux. De ce fait elle devient impossible pour le plus grand nombre et semble inventée pour une minorité de sujets d’élite, pour ceux justement qui pourraient avec le moins d’inconvéniens s’en passer. Le système suédois est applicable à tout le monde, et c’est là la véritable raison de sa prospérité qui, depuis 1814, ne s’est pas un instant démentie.

La gymnastique médicale est comme le couronnement de l’édifice élevé par Ling : elle représente l’application la plus délicate et la plus étudiée de la science des mouvemens. Nous avons dit quelle distance il nous reste à franchir pour pousser notre système au degré de développement où est parvenu celui des Suédois. Que faudrait-il pour réaliser cet immense progrès d’acclimater en France la gymnastique médicale ? — Nous nous sommes efforcé de le démontrer, il faudrait d’abord modifier profondément l’esprit de notre gymnastique générale, et y introduire, à côté de ses tendances à l’athlétisme, un esprit scientifique qu’elle n’a pas.

Mais au point de vue pédagogique aussi bien qu’au point de vue médical, nous sommes absolument dépourvus de praticiens instruits, et nous n’avons que deux partis à prendre si nous voulons mettre notre enseignement gymnastique au niveau de celui de Stockholm : c’est d’appeler à Paris des gymnastes suédois, ou bien d’envoyer nos gymnastes s’instruire en Suède. Comment, en effet, pourrions-nous les instruire en France, puisque nous ne possédons pas encore une seule école normale de gymnastique civile ? Trouverions nous étrange d’envoyer nos gymnastes se former à Stockholm ? Mais nous envoyons bien nos peintres et nos sculpteurs d’avenir se former à l’École de Rome. Nous avons à Paris une foule de professeurs de gymnastique d’une intelligence assez ouverte et d’une instruction assez étendue pour espérer qu’une saison d’étude de six ou huit mois à Stockholm suffirait pour les mettre au courant de la science qu’ont édifiée les progrès des