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moindre déviation du centre de gravité amènerait un faux pas. L’équilibre, dans cette progression quasi-aérienne, ne s’obtient pas sans quelques tâtonnemens, et, pour les premières leçons, un peu d’aide est nécessaire. L’exercice se fait alors à deux ; et l’on ne peut rien imaginer de plus gracieux que ces couples de jeunes filles, dont l’une cherche, par de souples inflexions de la taille, à rectifier à chaque pas son attitude, pendant qu’une autre, marchant près d’elle, lui tend le bout des doigts pour qu’elle y prenne un léger appui.

Les exercices dits du plancher constituent pour les Suédois le fond même de l’enseignement gymnastique. Ils sont tellement nombreux et tellement variés qu’il est possible de changer très souvent le programme de la leçon ; d’où une diversité qui la rend plus récréative. De plus, chaque mouvement peut s’exécuter suivant plusieurs variantes, dont chacune représente un degré différent dans la dépense de force. Il est facile ainsi de graduer progressivement pour les mêmes muscles l’intensité de l’effort. La gymnastique suédoise, aussi bien que la nôtre, dans ses exercices « du plancher, » a pour règle de faire travailler tous les membres et les divers segmens du tronc, non pas simultanément, mais successivement, de façon que chacun des groupes musculaires reçoive, à tour de rôle, sa part d’exercice. Tout le monde connaît ces exercices, les plus simples de notre gymnastique, dans lesquels on voit le gymnaste, au commandement du maître, fléchir, étendre et tourner dans divers sens, d’abord les bras, puis les jambes, puis la tête et le tronc, en comptant : une, deux, trois, etc. Le même esprit a présidé, dans les deux systèmes, à cette sorte de revue générale de tous les muscles du corps, qui a pour but de n’en omettre aucun dans l’application de l’exercice. Mais des nuances d’exécution peu importantes au premier coup d’œil modifient profondément les résultats obtenus de part et d’autre.

Si on étudie comparativement deux mouvemens similaires chez le gymnaste suédois et chez le gymnaste français, on verra que celui-ci s’efforce de mettre dans son mouvement toute la vigueur dont il est capable, tandis que le Suédois s’applique surtout à donner au mouvement toute l’amplitude possible. Prenons pour exemple le mouvement d’élévation des bras. Chez nous, il se fait par une détente brusque ; le membre est projeté violemment en haut, et doit s’arrêter net, dans une attitude contractée et raidie, et dans une direction parfaitement verticale. Ce mode d’exécution est « athlétique, » en ce qu’il demande la plus grande dépense de force possible. Les bras doivent se tendre et se raidir, et le gymnaste ne fait pas agir seulement les muscles qui élèvent le bras, mais aussi ceux qui agissent en sens inverse, et qu’on appelle,