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En tout cas, il ne semble pas que les attaques plus ou moins désintéressées dont l’Académie des Beaux-Arts, comme l’Académie française, d’ailleurs, a été ou est encore l’objet, aient, jusqu’à présent, fort sérieusement entamé son prestige. Le nombre et l’émulation des candidats que suscite toute vacance nouvelle permettent, au contraire, de penser qu’on est, sur ce point, bien loin encore de la désillusion ou même de la froideur. Quoi de plus explicable, après tout ? L’honneur d’appartenir à une compagnie composée des représentans les plus éminens de l’art français, et de ne lui appartenir qu’en vertu de son autorité propre et de ses libres suffrages, un tel honneur est de trop haut prix pour ne pas être recherché par ceux-là mêmes que le succès a le plus favorisés ailleurs : ils ne se regardent avec raison comme absolument consacrés, que lorsqu’ils ont acquis le droit d’ajouter à leurs noms le titre de membres de l’Institut.

En résumé, l’Académie des Beaux-Arts n’est pas seulement, à l’époque où nous sommes, un des derniers et des plus respectables débris de nos vieilles institutions. Elle n’a pas pour office unique de former une sorte de musée où se collectionnent, à mesure qu’ils ont fait leurs preuves, les principaux talens contemporains. Depuis qu’elle est devenue une des classes de l’Institut de France, c’est-à-dire depuis près d’un siècle, l’Académie des Beaux-Arts a reçu et elle a rempli la mission de participer aux actes de ce grand corps ; de concourir, dans certains cas, aux jugemens qu’il prononce ou aux décisions qu’il lui appartient de prendre ; en un mot, d’intervenir dans les travaux communs, comme dans les assemblées périodiques, au même titre que les autres classes et, sans préjudice de ses attributions particulières, avec les mêmes droits. Quant à ceux qu’elle exerce isolément, ils ont une application pratique aussi bien qu’un caractère honorifique. Sans doute, ces droits sont loin d’être aussi étendus qu’on le suppose, avec plus ou moins de bonne foi. Bien de moins fondé, par exemple, — nous l’avons déjà fait remarquer, — que les plaintes auxquelles donne lieu, de la part de certaines gens, la prétendue influence, — plusieurs disent l’autorité despotique, — de l’Académie sur les affaires intérieures de l’École des Beaux-Arts, puisque, en réalité, les deux institutions sont complètement indépendantes l’une de l’autre ; mais si l’Académie, aux termes des lois qui la régissent, doit rester et reste, en effet, étrangère à la direction des études poursuivies à l’Ecole, elle n’en a pas moins la très importante tâche d’en contrôler chaque année les résultats dans les concours ouverts pour les grands-prix de Borne, et, par le choix des œuvres qu’elle couronne, de conseiller à la fois les jeunes artistes et le goût public.