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elle-même « des modifications qui pourraient être apportées à ce décret et des dispositions qu’il y aurait lieu soit de maintenir, soit de supprimer. »

Au premier aspect, rien de plus simple. L’Académie avait été injustement dépossédée : la seule chose à faire n’était-elle pas de lui restituer tout uniment ce qu’on lui avait pris ? Tel était l’avis de plusieurs académiciens, mais d’autres, en plus grand nombre, estimaient que, sans préjudice pour l’autorité qui devait lui appartenir en fait comme en principe, sans concession périlleuse pour sa dignité, l’Académie pouvait, tout en revendiquant le droit de juger les concours aux prix de Rome, modifier quelque peu dans les formes l’exercice de ce droit et s’adjoindre, au moins pour les opérations préparatoires, quelques artistes choisis par elle en dehors de la compagnie.

L’idée d’ailleurs n’était pas absolument nouvelle. Dès l’année 1831, elle avait été émise par le peintre Guérin et proposée par lui à l’examen de ses confrères comme un surcroît de garantie pour les intérêts des concurrens et comme un moyen de plus de prouver au public l’impartialité des juges. Reprise, à près d’un demi-siècle d’intervalle, par la commission chargée de préparer la réponse au ministre, la motion de Guérin, à quelques variantes près dans les détails, réunit à l’Académie la majorité des suffrages. Il fut décidé qu’à l’avenir chaque section s’adjoindrait, pour le jugement des concours aux prix de Rome, un nombre d’artistes égal à la moitié du nombre des membres dont elle se compose : sauf, pour ces juges supplémentaires, à ne participer qu’à l’accomplissement de la tâche préalable assignée à la section, — autrement dit à ne pouvoir voter que dans le sein de celle-ci, et non avec l’ensemble des académiciens au moment du scrutin définitif. L’innovation, admise en 1871 et sanctionnée maintenant par une pratique de plusieurs années, ne changeait donc en réalité les procédés de jugement antérieurs que dans une proportion assez restreinte pour ne pas compromettre le pouvoir supérieur de l’Académie. Aujourd’hui, comme par le passé, c’est elle qui décide souverainement du choix des lauréats et qui les envoie à Rome. Seulement, avant de se prononcer, elle recueille et elle apprécie les opinions d’un certain nombre d’artistes dignes de sa confiance et qui d’ailleurs, par cela même qu’ils sont étrangers à la compagnie, ne peuvent, aux yeux de personne, être soupçonnés d’en partager les sentimens préconçus ou d’en continuer fatalement les habitudes.

Dans le Rapport par lequel l’Académie faisait valoir auprès du ministre la convenance du mode de procédure que nous venons