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ni surtout ne connaissent les moyens de les réaliser, il appartient à la critique, après l’avoir constaté, d’essayer de les y aider.

Non que je consente à être leur dupe :

S’il y en a dans la bande entière cinq ou six de vraiment sincères, je n’ignore pas, hélas ! qu’en général ils sont moins curieux d’art qu’affamés de réclame et de notoriété. Oui, de même qu’autrefois le naturalisme pour l’auteur des Rougon-Macquart, de même aujourd’hui, pour l’auteur du Pèlerin passionné, je crains, en vérité, que le symbolisme ne soit qu’un moyen de parvenir ; et c’est ce que suffirait à prouver au besoin la façon colérique et haineuse dont ces jeunes gens parlent dans leurs Revues de tous ceux qui les ont précédés. Je dois avouer d’ailleurs que l’on ne peut rien produire ou citer d’eux qui justifiât l’éloge que j’aimerais à en faire, et qu’aussi je n’en fais point. C’est alors, en effet, si je mettais sous les yeux du lecteur quelques phrases de la Princesse Maleine ou quelques vers, — non pas même choisis, — du Pèlerin passionné, c’est alors que M. Maeterlinck et M. Moréas auraient quelque droit de se plaindre de moi. Et j’en sais enfin, pour tout dire, que je ne puis qu’approuver l’illustre professeur Lombroso d’avoir jadis classés dans la catégorie de ses mattoïdes, — une catégorie un peu mêlée peut-être, mais d’ailleurs fort honorable, — où l’on voit figurer Savonarole à côté de Coccapieller, et saint François d’Assise en compagnie de Bosisio, de Lodi. Vous ne connaissez pas Bosisio, de Lodi ? C’est un de nos contemporains, auquel il n’a manqué, selon le professeur Lombroso, qu’un siècle plus propice pour être « le Mahomet de l’Italie. » Pourquoi le Mahomet ? .. Mais, après tout cela, je n’en persiste pas moins à croire qu’au fond du symbolisme il y a deux ou trois idées justes, et c’est elles que, sans autrement me soucier des personnes, je vais tâcher de mettre en lumière.

Encore que la plume de nos symbolistes ne soit pas toujours chaste, ni leur imagination remplie d’idées parfaitement pures, félicitons-les donc d’abord de la campagne qu’ils mènent contre ce qui subsiste encore du naturalisme contemporain. Nulle n’était plus urgente, ni ne doit être plus encouragée. Pornographie et reportage, voilà tout ce que l’auteur de l’Argent a su faire d’une grande doctrine d’art, et, — sans remonter plus haut, jusqu’à la Terre et jusqu’à Pot-Bouille, — tentez-en vous-même l’expérience, calculez ce qui resterait de l’Argent, si vous en aviez ôté le reportage et la pornographie.

Répéterai-je une fois de plus, à ce propos, ce qu’ici même, depuis quinze ou seize ans, j’ai tant de fois dit de M. Zola ? Ce laborieux et puissant ouvrier de lettres, moins laborieux que régulier peut-être, et assurément moins puissant que commun, n’a pas compris ni ne comprendra jamais qu’en rendant le mot de naturalisme synonyme de celui de grossièreté, son œuvre manquait à toutes les promesses du