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monde et ne le peut pas, ou il le peut et ne le veut pas, ou il ne le peut ni ne le veut. Et M. de Bismarck, qui ne fut jamais optimiste dans les jugemens qu’il porte sur son prochain, inclinait à croire que le saint-siège ne voulait ni ne pouvait le débarrasser de M. Windthorst.

Si les partis confessionnels ont une cohésion que n’ont pas les autres, en revanche, ils ne possèdent jamais leur pleine indépendance. Un parti qui se dit catholique et se voue à la défense des intérêts de l’église trouve dans l’église son juge naturel, et ne peut se dérober à l’obligation de la consulter et de lui rendre des comptes. Il est exposé à s’entendre dire : — « Votre zèle est louable, mais il n’est pas toujours éclairé ; nous savons mieux que vous ce qui nous convient. » — De toutes les difficultés qu’a rencontrées M. Windthorst, ce fut assurément la plus grave. Le bruit courut plus d’une fois que l’autorité absolue qu’il exerçait sur tout son monde causait quelque souci, faisait quelque ombrage au saint-siège, qu’on le trouvait trop enclin à s’en rapporter à ses propres lumières. La supériorité d’esprit a toujours quelque chose d’inquiétant, et il est dans la nature de tous les pouvoirs souverains de préférer les serviteurs dociles et médiocres aux habiles qui n’en font qu’à leur tête.

M. Windthorst éprouva sans doute une vive contrariété lorsque, en 1887, Léon XIII, cédant aux obsessions de M. de Bismarck, prit sur lui d’intervenir et recommanda aux catholiques allemands d’envoyer au Reichstag des députés résolus à voter le septennat militaire. M. Windthorst courba la tête, mais il la releva bien vite. S’il avait eu du goût pour le style figuré, il aurait pu dire comme le personnage de la comédie italienne : — « La balle de vos commandemens a rebondi sur la raquette de mon obéissance. » — Après comme avant, il continua de pratiquer sa savante méthode, dont il avait tiré de si grands profits, et il conserva au centre catholique le caractère d’un parti d’opposition, qui, ne se piquant pas d’intransigeance, a pour le gouvernement des bontés occasionnelles et se les fait payer argent comptant.

Si gracieuse que fût son apparente bonhomie, M. Windthorst jetait des sorts ; il a porté malheur à M. de Bismarck. Il s’occupait de concerter avec lui les termes d’un nouveau marché quand Guillaume II, s’indignant qu’on le tînt en dehors de cette négociation et impatient de conduire lui-même ses affaires, rompit inopinément avec son incommode tuteur et frappa le grand coup qui a étonné l’Europe. Dès lors, c’est avec le souverain en personne que M. Windthorst a négocié ; c’est de lui qu’il a obtenu le renvoi de M. de Gossler, et il se promettait d’en obtenir aussi le rappel des congrégations, le rétablissement des écoles confessionnelles. Toutefois, s’il a été pour quelque chose dans la chute de M. de Bismarck, la disgrâce de son redoutable ennemi lui a été plus fâcheuse qu’utile. On assure que, dans ces derniers mois, son