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à la charge : « M. le docteur Windthorst a été connu de moi comme fidèle partisan de l’ex-roi de Hanovre, et j’ai eu l’avantage de négocier avec lui sur les affaires intimes de Sa Majesté George V. Je n’ai pas appris que jusqu’aujourd’hui il ait changé de sentimens ; j’ai tout lieu de croire que son cœur est resté auprès d’un prince qui ne règne plus. » Il ajoutait : « M. Windthorst prend une grande part à nos débats ; malheureusement, l’huile de sa parole n’est pas de l’espèce de celle qui guérit les blessures, mais de celle qui irrite le feu, qui attise les flammes de la colère. Messieurs du centre, dans l’intérêt de la paix religieuse et des concessions que vous désirez obtenir de nous, je vous engage à vous soustraire à l’empire du chef qui vous conduit. » Et il leur récitait la fable du vent et du soleil se disputant à qui dépouillerait un cavalier de son manteau : « Messieurs, je vous le dis, le vent ne pourra rien sur moi ; essayez du soleil, et vos affaires s’en trouveront bien. » Mais les députés catholiques se rappelaient une autre fable, et ils songeaient au triste sort des brebis qui, pour conclure leur paix avec un loup friand de tuerie, lui avaient livré leurs chiens. Quoi qu’on pût leur dire, ils marchaient en rangs serrés derrière leur chef. Ils avaient pris pour devise : « Adhérens comme la glu, tenaces comme la poix. »

M. de Bismarck se flatta, pendant quelques années, qu’il aurait raison de cette ténacité poisseuse par un redoublement de rigueurs, et son bras s’appesantissait sans relâche. Il avait espéré que les souffrances croissantes de l’église troubleraient ces esprits résistans, toucheraient ces âmes dures, amolliraient ces courages. On voyait venir le moment où tous les diocèses auraient perdu leur évêque, où il y aurait partout des pasteurs sans ouailles et des ouailles sans pasteurs, où des moribonds ne trouveraient plus personne pour leur administrer les sacremens. Quand les orateurs du centre déploraient dans la chambre prussienne cette lamentable situation, le chancelier leur répliquait : « C’est vous qui en êtes responsables ; amendez-vous, passez condamnation, recourez à ma clémence, et je verrai ce que je pourrai faire pour vous. » Il n’avait pas assez médité sur la force cohésive des partis religieux et sur l’infinie patience des choses éternelles. Les catholiques demeurèrent intraitables, et ce fut lui qui, en fin de compte, demanda à traiter. Il voulait assurer à l’empire les ressources d’une fortune indépendante, et il proposa sa réforme douanière, que les libéraux ne pouvaient accepter. M. Windthorst lui promit son concours ; en échange, il dut sacrifier le docteur Falk, ministre des cultes, et accorder de grands adoucissemens dans l’application des lois de mai.

Mais s’il s’était promis de tenir désormais le parti du centre et son chef, il se trompait bien. M. Windthorst lui avait emprunté sa méthode en ne négociant jamais que sur des objets particuliers, en ne