Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 104.djvu/634

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pilotage, exempt désormais de douloureuses surprises. De 1866 à 1871, le chenal est resté constamment au nord. Progressivement, lentement, il s’est porté au sud, où il est resté fixé depuis plus de quinze ans. Tout au plus, quelques variations de peu d’importance se produisent-elles encore dans le voisinage d’Honfleur.

Cette partie de la Seine est, néanmoins, susceptible de nouveaux progrès. Il faut y fixer définitivement la direction du chenal et en accroître la profondeur. La façon de réaliser ces améliorations suprêmes a donné lieu à d’inévitables contradictions, mais celles-ci s’atténuent chaque jour, et l’on est maintenant en possession d’un programme de travaux, qui, s’ils ne conduisent pas eux-mêmes à la solution, auront eu le mérite de la préparer et certainement d’en approcher de très près.

Aujourd’hui, les navires de 5 mètres de tirant d’eau peuvent arriver à Rouen, à tout moment. Ceux de 6m,50 et même de 6m,80 y accèdent aux marées de vive eau, c’est-à-dire de douze à quinze jours par mois. De la mer à Rouen, le trajet dure de huit à dix heures : en sens inverse, il s’effectue ordinairement en une seule marée. Enfin, détail intéressant à signaler, la surprime d’assurance de 1 1/2, spéciale à la navigation de la Seine, n’existe plus. C’est la meilleure preuve de la sécurité avec laquelle se fait aujourd’hui cette navigation, autrefois renommée pour ses dangers.

Rouen s’est mis en mesure de profiter des avantages que lui assurait l’amélioration de la Seine maritime. Ses quais, partout accostables comme ceux d’Anvers, avec qui le port normand offre plus d’un point de comparaison, sont pourvus d’un outillage perfectionné. Ils ont aujourd’hui six kilomètres ; ils en auront bientôt huit et ils peuvent s’allonger indéfiniment. Les terre-pleins réservés aux opérations ont une superficie de près de 50 hectares. Des installations spéciales y sont ménagées au pétrole, aux bois, à la houille, aux vins, aux céréales. Aussi, le trafic s’y est-il rapidement développé. Presque nul en 1848, il était en 1888 de 2 millions de tonneaux de jauge, avec 1,600,000 tonnes de marchandises. Dans les deux années qui suivent, on constate une légère décroissance. Mais elle n’est due qu’à des faits économiques et politiques, comme, par exemple, la rupture des relations commerciales avec l’Italie, et aussi, dans un autre ordre d’idées, par suite de l’abondance de nos récoltes, la diminution des importations de céréales américaines.


III

Entre Rouen et Paris, les améliorations réalisées n’ont pas été moindres.