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alors surintendant des beaux-arts et, depuis plusieurs années déjà, membre de l’Académie, figurait au bas du rapport contenant, à l’état de propositions, la série des mesures adoptées ensuite par M. le maréchal Vaillant, ministre de la maison de l’empereur et des beaux-arts, et définitivement sanctionnées par le décret. Comment s’expliquer cette sorte d’entrée en campagne contre ses confrères, de la part d’un homme qui n’avait pas cessé jusque-là de faire cause commune avec eux, et qui d’ailleurs s’était à bon droit acquis leur affection par l’aménité de son caractère ?

Trois ans auparavant, il est vrai, la très vive émotion de l’Académie à la vue des fâcheuses restaurations que plusieurs tableaux du musée du Louvre venaient de subir et les actives démarches tentées par elle pour arrêter le mal, avaient eu ce résultat d’amener M. de Nieuwerkerke, bien que sa responsabilité personnelle ne se trouvât pas directement engagée, à couvrir, comme directeur-général des musées, le fonctionnaire auquel on s’en prenait à juste titre, et, par conséquent, à se séparer, au moins en apparence, de ceux qui reprochaient au conservateur des peintures son imprudence ou son impéritie. Néanmoins, il avait rempli la tâche que sa situation officielle lui imposait avec trop de bonne grâce et de loyauté, il s’était trop sincèrement préoccupé des moyens de donner satisfaction à l’Académie et de lui fournir, en vue de l’avenir, des garanties[1], pour qu’on put être bien venu à soupçonner chez lui, dans le cas présent, quelque arrière-pensée de vengeance ou de rancune. En réalité, il n’avait eu d’autre tort que celui de prêter une oreille trop complaisante aux exhortations de certains personnages de l’entourage de l’empereur, de certains conseillers officieux qu’il croyait animés d’un zèle désintéressé pour le progrès, et qui peut-être, en entreprenant de le gagner à leurs projets de réforme, se proposaient au moins autant de « jouer, — comme l’un d’eux le disait après coup, — un bon tour à l’Académie, » que de régénérer, au profit de tous, l’enseignement des arts dans notre pays.

Quoi qu’il en soit, l’Académie ne pouvait, sans péril pour sa dignité, et surtout sans une véritable désertion de ses devoirs, accepter passivement une spoliation aussi préjudiciable aux intérêts des jeunes artistes qu’injurieuse pour elle-même. Elle s’éleva donc dès les premiers jours contre des mesures qui lui étaient le droit de pourvoir au recrutement des professeurs à l’Ecole des

  1. Par une note insérée au Moniteur du 10 mai 1860, la direction générale des musées impériaux déclarait que, dorénavant, « aucune restauration ne serait entreprise sans l’avis préalable d’une commission composée des membres de la section de peinture de l’Institut. »