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exclu nombre d’autres mots exprimant aussi des affections morales et, par conséquent, admissibles au même titre : Allégresse, Anxiété, Attendrissement, etc. ?

N’y avait-il pas lieu de s’étonner également de certaines préférences, et en même temps de certaines omissions, en ce qui concernait les monumens typiques de l’art aux diverses époques ? Ainsi, comment s’expliquer qu’aux yeux des auteurs du « Dictionnaire », la villa Adrienne, la basilique de Sainte-Agnès, à Rome, et les monastères du mont Athos, aient paru exiger de longues descriptions, alors que rien ne devait être dit du couvent d’Assise qui fut pourtant au moyen âge le premier foyer de la peinture italienne régénérée et comme le berceau de sa renaissance ? Enfin, là où il s’agissait d’enregistrer les noms des hommes que l’art a immortalisés, pourquoi s’en être tenu à peu près aux souvenirs de la Grèce et de Rome, et, avant de nous entretenir d’Ampelus, n’avoir pas fait au moins l’aumône d’une mention à Adam, qui, sans parler de ses autres titres suffisamment connus, a inspiré tant de grandes œuvres de la sculpture et de la peinture, depuis les bas-reliefs de la cathédrale d’Orvieto jusqu’aux fresques de Michel-Ange et de Raphaël, au Vatican ?

Nous nous sommes cru permis d’insister quelque peu sur les imperfections que le Dictionnaire de l’Académie des Beaux-Arts ne laissait pas de présenter au début, parce que l’Académie elle-même en a, pour ainsi dire, fait justice, en renonçant après coup à une partie de la procédure qu’elle avait d’abord entendu suivre. Les noms d’hommes en effet, et les mots d’une signification presque exclusivement philosophique, ne figurent plus dans les volumes publiés après l’année 1858. Quelques éclaircissemens semblaient donc ici nécessaires pour justifier cette sorte d’anomalie (qui n’est en réalité qu’un progrès) entre la suite et les commencemens de l’ouvrage. D’ailleurs, quoi qu’il en doive être des réserves formulées plus haut et de celles que pourraient autoriser certaines inexactitudes de détail commises çà et là[1], le premier volume du Dictionnaire de l’Académie des Beaux-Arts n’en demeure pas moins dans son ensemble un travail des plus substantiels et, comme chacun des volumes parus postérieurement, un témoignage formel de l’unité permanente des doctrines que la compagnie représente, aussi bien que de sa sérénité invariable en face des paradoxes ou des sophismes.

  1. Dans une note, par exemple, de la page 102 du premier volume, où il est fait deux personnages distincts d’un seul homme, Lenormant de Tournehem, surintendant des bâtimens royaux sous Louis XV, et où un autre homme, revêtu un peu plus tard des mêmes fonctions, M. de Vandières, marquis de Marigny, subit à son tour le même dédoublement.