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tout était resté en suspens, aussi bien au point de vue du caractère doctrinal à imprimer à l’œuvre commune qu’au point de vue des moyens à prendre pour assurer la collection méthodique et la cohésion matérielle des élémens dont elle se composerait. Certes, les membres de l’Académie qui, depuis le commencement du premier empire, avaient, à tour de rôle, formé la « Commission du Dictionnaire, » étaient, à ne considérer que leurs mérites propres, bien en mesure de s’acquitter à souhait de leur tâche. Pour ne citer que quelques-uns d’entre eux, des peintres, des sculpteurs, des architectes aussi expérimentés que Guérin, Chaudet et Huyot, des musiciens et des érudits comme Méhul et Visconti, ou, un peu plus tard, comme Le Sueur et Quatremère de Quincy, auraient pu facilement, avec plus de fixité dans les programmes et dans les procédés d’exécution, arriver à fournir aux artistes et au public une série d’enseignemens aussi logiques que précis. Malheureusement, d’une part, la direction incertaine de la voie où il s’agissait, pour eux, tantôt de s’engager d’un pas ferme, tantôt de rétrograder, pour la côtoyer ensuite en vue ou à la recherche d’un nouveau but ; de l’autre, les fantaisies personnelles, ou, si l’on veut, l’indépendance assez irréfléchie de tel ou tel des collaborateurs, avaient rendu à peu près stériles tous les efforts tentés. On avait, par exemple, adopté en principe l’ordre alphabétique pour la succession des articles ; mais, parmi ceux qui étaient chargés de les écrire, plus d’un, séduit par un sujet particulièrement conforme à ses inclinations ou à ses études, entreprenait de le traiter bien avant l’heure, et s’emparait à tout hasard d’un mot commençant par une des dernières lettres de l’alphabet, alors que sa besogne eût été de procéder suivant l’ordre contraire. De là d’étranges lacunes dans l’ensemble des travaux accomplis et l’impossibilité d’en faire paraître quoi que ce fût, à l’état de spécimen des parties de la publication qui devaient suivre.

En outre, lorsqu’on avait eu la pensée d’élargir le cadre destiné d’abord à ne contenir que les mots strictement usuels de « la langue des arts, » on s’était laissé aller à l’agrandir démesurément. On avait entendu y donner place à des notices biographiques sur les personnages célèbres de l’antiquité et des temps modernes, à des études descriptives ou critiques sur les œuvres des artistes les plus renommés, à bien d’autres études ou dissertations encore : le tout, au risque de rendre la tâche interminable ou, du moins, de la compliquer de telle sorte que le futur dictionnaire prît jusqu’à un certain point les caractères d’une encyclopédie. Puis, le travail une fois abordé et partiellement exécuté dans ces conditions, l’expérience en avait démontré les inconvéniens. On