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officiers, de futurs sous-officiers, et que tous seront soldats. Il n’aura donc pas, à coup sûr, fait besogne inutile, s’il a profité de toutes les occasions pour inculquer à ces jeunes âmes l’esprit militaire, envisagé sous les aspects nouveaux que nous avons tenté de présenter. Et il nous semble que ce sera toute une révolution ; car il ne s’agit plus ici de bataillons scolaires, loin de là, et nous croyons que rien n’est plus funeste que la confusion qui a été faite, de ce côté, entre la forme et le fond, entre la lettre de la profession des armes, si facilement et si rapidement apprise et, partant, si inutile à enseigner d’avance, et l'esprit de cette profession, tel que nous voudrions avoir réussi à le faire entendre, — Cette distinction, M. J.-J. Weiss, visitant il y a quelques années une école de cadets allemande, l’avait bien justement observée : « Ce qui est l’objet propre de l’école, remarquait-il[1], ce n’est pas, comme on pourrait le croire, d’enseigner aux cadets la technique, même simplement rudimentaire du métier de soldat, c’est de bien pénétrer l’éducation civile qu’on leur donne, l’instruction générale littéraire et scientifique qu’ils reçoivent, de la pensée spéciale qu’ils auront l’honneur de passer leur vie, sous les armes, au service de la patrie ;... c’est de développer chez eux l’esprit militaire et l’esprit officier en même temps et par la même méthode graduelle que l’esprit des lettres et l’esprit des sciences. A Paris et dans nos départemens, on voit maintenant les élèves des écoles primaires défiler et évoluer par les rues, l’arme sur l’épaule. A O***, parmi ces adolescens qui contiennent dans leurs rangs de futurs colonels, de futurs généraux de brigade et de division, de futurs commandans d’armée, on ne trouverait pas un seul fusil, même de bois, »

Chez nous, où il n’existe pas d’établissemens spéciaux de cet ordre, tout collège est aujourd’hui, dans quelque mesure, une « école de cadets, » et tout maître peut avec profit s’inspirer de la figure si attachante et si suggestive du capitaine baron Von D***, que M. Weiss nous présente quelques pages plus loin[2].

Nous n’insisterons pas. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des moyens d’application. Les développemens qu’ils comportent demandent d’autres études. Elles viendront en leur temps.

Pourtant, si l’on nous a compris, nous voudrions, dès maintenant, en toutes les circonstances où l’on parle de haut à la jeunesse assemblée, aux solennités scolaires, dans les institutions de l’État comme dans les établissemens libres, recueillir l’écho de ces idées, entendre proclamer la portée, jusqu’ici insuffisamment com-

  1. J.-J. Weiss, Au pays du Rhin, p. 189 ; Charpentier, 1880.
  2. Ibid., p. 199.