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publications statistiques insérées au Journal officiel, et a été, au surplus, mis en pleine lumière par l’exposé que le ministre des finances a présenté, à la chambre, dans la séance du 27 janvier 1890. M. Perazzi avouait, pour les budgets ordinaires et extraordinaires réunis, un découvert total de 461 millions[1]. Pendant les dix premiers mois de 1890, d’après les derniers documens que nous avons pu consulter, les exportations, sans avoir jamais cessé de décroître, ont encore baissé de 76 millions. Mais ceci n’est pas pour embarrasser le président du conseil. Que me parlez-vous, a-t-il dit, des charges qui pèsent sur le pays ? que dépense, en somme, l’Italie pour l’entretien d’un état militaire qui la fait « l’égale de l’Autriche et de l’Allemagne ? A peine 18 francs par habitant, tandis que l’Allemagne en paie 19 et la France 35. » M. Crispi a la faculté de comprendre singulièrement les questions économiques et de les présenter. Sans contrôler ces chiffres, dont l’exactitude, à première vue, nous paraît contestable, nous nous permettrons de lui faire remarquer que la capacité contributive de chaque habitant, quand on la compare à celle de l’habitant d’un autre pays, doit être évaluée en raison directe de la richesse générale de chacun des deux, et un bon économiste lui démontrerait peut-être que les 35 francs payés par un Français lui sont moins lourds que les 18 qui pèsent sur un Italien. S’il veut consulter les tableaux des prix de la main-d’œuvre des deux côtés des Alpes, il obtiendra un premier aperçu qui l’éclairera suffisamment. Quoi qu’il en soit, on a vu ce qu’a produit en Italie l’abrogation du traité de commerce ; en France, au contraire, les recettes et les exportations n’ont cessé de progresser malgré le tort qui en est résulté pour nos transactions avec la Péninsule. La France endurerait, au besoin, de nouvelles charges ; l’Italie le pourrait-elle ? On doit en douter après les déclarations dont M. Crispi a émaillé le récent discours qu’il a prononcé à Turin et que l’on peut résumer en deux mots : pas d’emprunts, pas de nouveaux impôts. Il est vrai de dire qu’il parlait à la veille des élections.

Pourquoi s’alarmer, au surplus ? nous disent les alliés. Nous nous sommes unis pour maintenir la paix, pour l’imposer au besoin, nous repoussons hautement toute pensée d’agression. On ne saurait être plus affirmatif que l’a été M. de Bismarck, à cet égard, en toute occasion, et si déshabitués que nous soyons de cette confiance que devrait toujours inspirer la parole d’un premier ministre,

  1. M. Gianpietro, député, qui a été rapporteur du projet de loi sur les contrat », un économiste fort distingué, évalue à 1 milliard les découverts réunis des trois dernières années.