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empressement, pour obtenir la paix à des conditions moins onéreuses ? N’est-ce pas ainsi que les choses se sont passées toutes les fois que les vaincus étaient inégalement puissans ?


IX

Mais sans envisager plus longtemps de si redoutables éventualités, voyons de quel poids la triple alliance pèse déjà sur l’Italie, ce qu’elle lui coûte pendant la paix. Durant la période de son émancipation, elle dut s’imposer les plus lourds sacrifices pour faire face aux dépenses que nous appellerons de premier établissement. Elle a émis 10 milliards d’emprunts qui ont été négociés à Paris. Son budget des dix premières années s’est soldé annuellement par un déficit moyen de 334 millions. En 1871, il n’était plus que de 47. Il disparaissait totalement en 1875, pour faire place à un excédent de recettes permanent qui se chiffrait par 51 millions en 1882, l’anno d’oro, comme on a appelé cette même année, malgré, qu’on le remarque, une réduction de 100 millions d’impôts environ. Cet état de constante prospérité permit d’abolir le cours forcé.

En cette même année 1882, le traité d’alliance fait son apparition avec son cortège de dépenses extraordinaires, avec l’immixtion de l’état-major allemand, avec l’obligation d’augmenter les unités de l’armée et de la marine, de former les bataillons alpins, de construire les chemins de fer stratégiques. Aussitôt le déficit se redresse et ressaisit le budget italien ; il s’en empare pour y régner désormais en maître. Telle a été la première conséquence de la triple alliance. Elle en engendra bientôt un autre : la dénonciation du traité de commerce avec la France, et, en dépit des tarifs, les recettes des douanes subirent une réduction notable dont tous les efforts de l’administration n’ont pu atténuer la constante progression[1]. Ainsi la politique, inaugurée par Depretis, continuée par M. Crispi en l’accentuant sensiblement, a eu, dès l’origine, ce double résultat d’augmenter les dépenses et de diminuer les ressources du trésor. Ceci ressort clairement de toutes les

  1. Exportations en 1887 (métaux précieux compris) 1.109 millions
    Exportations en 1888 (métaux précieux compris) 967 —
    Différence en moins 142 millions.


    On a vu que le traité a cessé d’être en vigueur le 31 mars 1888. Cette différence ne porte donc que sur les dix derniers mois de l’année.