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infanticides que des crimes privés, ou des actes de vendetta pour les vexations et persécutions endurées par les fils de Jacob. Car, pourrions-nous l’oublier ? l’inhumanité de nos ancêtres envers les juifs était bien faite pour leur suggérer les vengeances les plus barbares. Quant à ce qui est des enfans, en particulier, l’histoire ne nous donne pas toujours le beau rôle. S’il n’a jamais été légalement prouvé que le fanatisme des juifs ait égorgé des enfans chrétiens, il est, hélas ! hors de doute que, durant des siècles, les chrétiens des deux rites se sont fait peu de scrupule d’arracher au juif ses fils et ses filles, — non, il est vrai, pour leur ouvrir les veines, mais, ce qui n’était pas moins cruel au cœur de parens juifs, pour les arroser de l’eau du baptême. Ici, les témoignages abondent. Il ne s’agit plus de crimes supposés, accomplis en secret dans les ténèbres, mais de ravissemens d’enfans effectués au grand jour, sous la protection des lois et sur l’ordre des autorités ; et cela, en certains états, en Espagne et en Portugal notamment, par milliers et dizaines de milliers. Quant aux exemples moins anciens d’un pays voisin, il nous répugne d’en parler : il est tel nom que, pour un catholique, le mieux est de laisser oublier.


IV

Le chrétien des classes éclairées n’a pas, contre le juif, les préjugés archaïques du populaire. Dans l’Europe orientale même, en Hongrie, en Roumanie, en Russie, la mince couche cultivée, « l’intelligence, » comme disent les Russes, sait que le juif ne vole pas les enfans pour les livrer au couteau du schohet, et que, pour fêter la pâque hébraïque, la synagogue n’a pas besoin de sang chrétien. Catholiques, protestans, orthodoxes, ont contre le juif un autre grief, moins enfantin ou moins grossier. Ils l’accusent d’être l’ennemi né de ce qu’ils appellent « la civilisation chrétienne. » De toutes les accusations portées contre Israël, c’est peut-être, par son vague même, une des plus graves.

S’il n’est pas vrai que, dans ses rites secrets, le juif talmudiste se délecte à répandre le sang chrétien, les juifs, dit-on, les juifs « progressistes, » spécialement, font pis encore : ils s’acharnent à mettre en pièces la foi, la morale, la civilisation chrétiennes. Non contens de jouir de la tolérance moderne, ils s’efforcent, ouvertement ou clandestinement, de « déchristianiser » l’Europe et les sociétés contemporaines. Ainsi envisagé, le judaïsme est un agent de décomposition, au point de vue moral et religieux, aussi bien qu’au point de vue économique, ou au point de vue national : c’est un dissolvant des vieilles sociétés chrétiennes.