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à la Caisse des dépôts et consignations. Mais, lui dit-on, la Caisse des dépôts, c’est l’Etat, elle n’opère d’achats que sur vos ordres, c’est vous-même qui jetez à la Bourse les capitaux qui ont aidé une spéculation audacieuse à fausser tous les ressorts du marché, à réduire artificiellement le taux de revenu des placemens mobiliers de toute sécurité ! Il fallut que le ministre des finances expliquât à la tribune ce qu’est cette Caisse des dépôts dont on paraissait si peu connaître les attributs organiques, et il donna sur son fonctionnement, avant tout sur le conseil de surveillance qui contrôle ses opérations, des renseignemens qu’il eût été loisible au premier venu de se procurer par une simple excursion rue de Lille, mais dont on ne s’était jamais inquiété, et qui causèrent quelque surprise.

On apprit ainsi que la Caisse était douée d’une vie autonome, tout en étant essentiellement un mécanisme bien monté, et que si sa fonction paraissait être actuellement d’acheter de la rente française à jet continu, c’était là un résultat heureux de l’abondance de l’épargne et une conséquence obligatoire de prescriptions légales remontant déjà à quelques années, et non point un effet de combinaisons volontaires du ministre des finances. Depuis lors, les dépôts ont continué d’affluer aux Caisses d’épargne, et la Caisse a continué d’acheter de la rente, consacrant en moyenne par mois à ces achats un capital de 25 à 30 millions de francs, et comme ces rentes achetées vont s’enfouir dans les bureaux de la rue de Lille, pour n’en plus sortir et transformer même leurs arrérages en rentes nouvelles, cette absorption continue a fait peu à peu le vide sur le marché. Les petits rentiers, mis au courant des fameux achats, se sont gardés de vendre leurs inscriptions, et la rente française a été portée de 87 à 95 francs, dans cette même année où les Consolidés anglais avaient baissé de 4 points et les Consolidés allemands de près de 7 unités.


I.

Tout le monde sait donc aujourd’hui que la Caisse des dépôts est le plus gros acheteur de rentes françaises qui existe et ait même jamais existé. C’est assez pour qu’on parle beaucoup plus de cet établissement qu’on ne le faisait jadis, et peut-être pour qu’on ait la curiosité d’en savoir un peu plus sur son compte que par le passé. Il n’est pas nécessaire pour cela d’étudier toutes ses attributions et fonctions, qui sont innombrables. Il vaut mieux se borner aux essentielles, qui sont de deux espèces : les unes résultent de la loi propre de son institution, les autres sont des services spéciaux, étrangers à son intime raison d’être, mais que le législateur