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« Quelque grandes que pussent être les erreurs de Régius (et il n’en avait commis aucune), quelle était cette piété, cette charité chrétienne, ce zèle ardent qui vous portait à ne pas vouloir l’écouter, lorsqu’il venait de lui-même vous promettre de faire toutes les corrections que vous désireriez et à le livrer, pendant trois jours, contre tout droit, toute Justice et toute bienséance, à la dérision du public? »

La quatrième partie de la lettre de Descartes a pour titre : De l’usage des livres et du savoir de Voet. Il démontre, on doit s’y attendre, que Voet est un ignorant, et qu’il ouvre les livres qu’il cite, non pour s’instruire, mais pour les piller. « Vous voulez paraître les avoir lus, et vous le prouvez sans réplique en intercalant dans vos écrits des raisonnemens qui leur appartiennent tout entiers. »

« J’ai lu, ajoute Descartes, plusieurs de vos ouvrages et je n’y ai jamais aperçu une seule pensée qui ne fût basse et commune, une seule qui annonçât l’homme d’esprit ou le savant. Observez que je dis le savant et non l’érudit. »

Tel est le ton du libelle de Descartes. Pour n’y apercevoir, comme l’ont fait ses admirateurs, que quelques termes d’aigreur et un portrait peu flatté de Voet, il faut pousser loin le parti-pris de l’euphémisme. Les magistrats d’Utrecht, plus sévères, condamnèrent la lettre au feu, et l’on peut pardonner à Voet d’avoir joyeusement recommandé d’en faire une belle flambée.

Les conséquences de cette décision inquiétèrent Descartes. On n’a jamais dit nettement ce que, personnellement, il pouvait craindre. L’intervention de l’ambassadeur de France mit les poursuites et les décisions à néant.

Descartes, condamné à IJtrecht, sollicitait à Groningue la punition de Schoockius. La sentence ne le satisfit pas : « Vu dans le sénat académique les lettres de messire René Descartes où il réitère ses plaintes contre maître Martin Schoockius, professeur en philosophie dans cette Université, lesquelles ont été portées aux très illustres et très puissans seigneurs des états de cette province par Son Excellence Monseigneur de la Thuillerie, ambassadeur du Roy très chrétien, et où le dit sieur Descartes demande réparation des calomnies et des injures atroces à lui faites par maître Martin Schoockius dans le libelle qu’il a publié sous le titre de Philosophia cartesiana, et qu’il a reconnu pour son ouvrage, afin de faire plaisir au sieur Voétius, son ami ; comme il est plus amplement porte dans la requête que ledit sieur Descartes a présenté à sa dite Excellence, Monseigneur l’ambassadeur, dont copie a été présentée et lue dans ce sénat, d’une part, et ouï, de l’autre, maître Martin Schoockius, qui a non-seulement consenti, mais demandé