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et de prudence, les principes de la philosophie cartésienne, il faisait de Descartes son soleil et son flambeau et allait jusqu’à s’écrier : Is est mea lux, meus sol, erit mihi semper Deus ; mais, s’il le laissait deviner en chaire, il le taisait dans les disputes publiques. Lorsque Reniéri mourut, un de ses collègues, Æmilius, prononça son oraison funèbre. L’influence du maître sur son savant disciple fut proclamée et célébrée. Les admirateurs, on pourrait dire les prêtres d’Aristote, entendirent avec colère traiter l’audacieux adversaire qui prétendait le diffamer et l’abattre, de : Nostri sœculi Atlantem Archimedem unicum et philosophorum aquilam.

La lutte était engagée, mais les maîtres, en grande majorité, tenaient pour l’ancienne doctrine. Les cartésiens étaient tolérés. Régius criait victoire. Il était, comme presque tous les savans de l’époque, enclin à la dispute et brutal dans les attaques.

Un de ses écrits a pour titre : Spongia pro eluendis sordibus animadversionum Primerosi. À quoi Primerose répondait : Antidotum adversus Regii venenatam spongiam.

Cela paraissait tout simple : pourquoi ne pas éponger les ordures et prescrire le contre-poison ? Descartes, en publiant la traduction française de ses Méditations, y ajouta une lettre au père Dinet, provincial des jésuites. Il y annonçait une réponse au jugement porté et aux objections produites par quelques pères de la compagnie. Mais, laissant bientôt de côté les problèmes de métaphysique, il raconte les persécutions de Régius et les torts du recteur de l’Université d’Utrecht. La transition était brusque : « Mais de peur qu’il ne semble peut-être ici que c’est à tort que je me vante de l’envie que l’on me porte, et que je n’en ai point d’autre témoignage que la dissertation du révérend père, je vous dirai ici ce qui s’est passé il n’y a pas longtemps dans une des plus nouvelles académies de ces provinces. »

Descartes approuvait Régius sur tous les points. Le libelle injurieux, dont nous avons rapporté d’intolérables passages, était, suivant lui, irréprochable : — « Régius prit la résolution de faire réponse par écrit aux thèses du théologien, dans laquelle, quoiqu’il réfute par de bonnes et solides raisons tout ce qui avait été dit contre lui ou contre ses opinions, il ne cessait pas cependant de traiter leur auteur si doucement et avec tant d’honneur qu’il faisait bien voir que son dessein était de se le rendre favorable, ou du moins de ne pas l’aigrir. Et, en effet, sa réponse était telle que plusieurs de ceux qui l’ont lue ont jugé qu’elle ne contenait rien dont ce théologien eût sujet de se plaindre, sinon peut-être de ce qu’il l’avait appelé homme de bien et ennemi de toute sorte de médisance. »

Descartes élève contre Voet plus d’un grief. Comme recteur,