Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 103.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la calomnie; mais, quoique Voet écrivît sur tous les sujets, aucun de ses livrets ne lui est consacré.

La bonne renommée de Voet le fit appeler, bien jeune encore, au célèbre synode de Dordrecht, dont, cinquante ans plus tard, il avait l’honneur d’être le dernier survivant. L’humble ouvrier de la vigne du Seigneur se montra discoureur habile et savant; il contribua au triomphe du fervent calviniste Gomar, adversaire d’Arminius. La doctrine d’Arminius, suspecte de socinianisme, fut condamnée. On la résumait, comme celle de Jansénius, en cinq propositions, hérétiques aussi bien que celles de l’évêque d’Ypres, quoiqu’elles disent précisément le contraire. Le milieu n’est pas facile à trouver. Voet, qui plus tard combattit Jansénius, proposait sur la grâce une doctrine différente des deux autres, et, parmi ces mystérieuses subtilités, rencontrait sans doute une troisième hérésie. La prescience de Dieu et le libre arbitre sont incompatibles. La logique en conclut qu’il faut choisir entre eux ; mais pour ceux qui n’osent percer le voile, le champ des conjectures s’accroît sans limite. La volonté est libre, suivant Arminius, qui, en cela, se rapproche de Pelage, et cependant, de toute éternité. Dieu a prévu le parti qu’elle doit prendre. On nie, malgré l’évidence apparente, que ces propositions soient contradictoires. La connaissance du passé ne nuit en rien à la liberté qui a présidé aux actes accomplis. Pourquoi n’en serait-il pas de même de la prévision qui voit, sans les gêner, les faits de l’avenir? L’ingénieux argument remonte à saint Augustin, qui, sur la question de la grâce, a beaucoup varié, et peut être invoqué, suivant le progrès de ses études, en même temps par tous les partis.

Rotterdam, La Haye, Dordrecht, Bois-le-Duc, Middelbourg, désirèrent successivement attirer Voet dans leurs temples. Il préféra, sans discuter les conditions, le service de sa ville natale. Jamais il ne consentit à débattre la question de salaire : Ne quidem de qualitate aut quantitate directe aut indirecte quœsivi. Le salaire souvent était donné en nature. Voet ne s’informait ni de la quantité, ni de la qualité du vin ou de la bière qu’on lui fournissait, il laissait faire ceux que cela regardait, qui sans doute connaissaient ses besoins, car il a élevé dix enfans.

Voet, nous l’avons dit, a pris plaisir à montrer ingénieusement, par la variété et la contradiction des injures adressées à son caractère et des jugemens dédaigneux portés sur son talent, l’inimitié sans frein de ses adversaires. Voet, a dit Ménage, ne croyait en Dieu que sous bénéfice d’inventaire. On l’a déclaré tout haut, aperto ore, faussaire, criminel, scélérat, fou furieux, la honte de son ordre, ordinis sui propudium ; on l’a nommé pharisien, anabaptiste,