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Voet est né à Heusden en 1589. Aucun biographe n’a parlé des commencemens de sa vie. Sa naissance fut très humble. Dans un livre qu’il a inspiré et que Descartes lui attribue, il était dit : « René Descartes est d’une naissance illustre, ou du moins il est noble. Quant à cet avantage, que le hasard peut attribuer aux méchans et aux sots, je ne le lui envie pas. » Descartes répondit : « Vous n’avancez rien par là qui puisse me faire déshonneur, car si, d’une famille distinguée, il peut sortir quelquefois des méchans et des sots, vous ne voulez pas en conclure, je pense, que l’on doit moins estimer celui qui a reçu le jour de parens honnêtes que le fils d’un goujat qui n’a fait son apprentissage de vertu et de piété qu’au milieu des valets d’une armée et des filles de joie. »

Les dernières lignes, si l’on n’y sous-entend rien, affaiblissent la phrase et la gâtent. Le trait s’il n’est pas lancé maladroitement et au hasard, ne peut s’adresser qu’à Voet. On peut convertir l’hypothèse en certitude. Voet, longtemps après, protestant contre les libelles qui l’ont flagellé sans relâche : Coram Deo hominibusque protestor eas esse falsissimas, rapporte spirituellement plusieurs pages d’injures invraisemblables. On y trouve le reproche d’avoir des voleurs et des vagabonds pour ancêtres : De latronum et convenarum natus sum semine. L’allusion de Descartes est claire et évidente. Voet, pasteur pendant près de vingt ans dans sa ville natale de Heusden, y était cité comme un modèle de dévoûment et d’activité. Il prêchait huit fois par semaine, sans préparation, naturellement; il confondait quelquefois Daniel avec Jérémie, saint Chrysostome avec saint Basile, et saint Bernard avec saint Augustin. Les érudits seuls s’en apercevaient, et personne ne l’accusait d’ignorance. Voet, pour le service de l’église, était toujours prêt; il remplaçait les absens, soit pour faire la lecture de la Bible, soit pour chanter un psaume en les attendant. Plusieurs fois, pendant les luttes contre l’Espagne, il quitta son poste pour suivre les armées et donner aux soldats, que l’on nommait alors les insurgés, l’encouragement et les secours de la religion. En l’an 1629, il entra à Bois-le-Duc avec l’armée victorieuse du prince d’Orange et y demeura une année, inter strepitus, miserias et morbos militares.

Toujours ardent contre les catholiques, Voet réclamait l’exécution sévère de la capitulation imposée. C’est sur son insistance que la flèche de l’église cathédrale de Bois-le-Duc perdit sa croix. La destinée de Voet était d’être calomnié. Le bruit courut que la croix, affranchie pendant sa chute des théorèmes de Galilée, avait miraculeusement quitté sa parabole pour aller frapper Voétius à une grande distance et punir de mort son sacrilège. Les nombreux écrits publiés depuis par la prétendue victime réfutent suffisamment