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de décrets royaux qu’il a pu rendre en se servant d’une autorisation des cortès et sans dépasser les limites que lui imposaient les traités de commerce, il a élevé les droits de douane sur les céréales, sur les bestiaux. C’est un acte de politique protectionniste, qui est fait pour retentir dans les Castilles, en Catalogne, partout où il y a des intérêts agricoles et industriels qui souffrent et se plaignent depuis longtemps. C’est pour sa résistance à cette politique de protectionnisme que le dernier cabinet a vu se séparer de lui un ancien ministre, M. Gamazo, et d’autres libéraux. La mesure, en restant peut-être hasardeuse pour l’avenir des relations commerciales de l’Espagne, est donc habile pour le moment, à la veille des élections.

D’un autre côté, au camp des oppositions, il y a visiblement un assez grand désarroi. En dehors des partis les plus extrêmes, tout dépendait jusqu’à un certain point de l’accord qui aurait pu se former entre les libéraux, dont M. Sagasta reste le chef, et les républicains dont M. Castelar est toujours l’interprète éloquent. Des négociations paraissent s’être engagées, elles n’ont pas réussi. M. Sagasta aurait peut-être pu ne pas se refuser à une intelligence limitée avec le brillant champion de la république modérée, dont il a eu plus d’une fois l’appui dans les dernières cortès. Il n’a pas voulu se compromettre dans une coalition, dans un amalgame incohérent avec les républicains qui sont eux-mêmes fort loin d’être d’accord entre eux. Il entend rester le chef du libéralisme monarchique et dynastique, au risque d’aller seul avec ses amis au scrutin. Les divisions de l’opposition sont donc une chance de plus pour le ministère conservateur dans la lutte électorale.

Que, dans le vote du 1er février, il y ait des succès pour les oppositions, pour les libéraux, pour les républicains, même pour les carlistes, et que ces oppositions représentent une force d’opinion avec laquelle il faudra compter, c’est vraisemblable. En définitive, jusqu’ici toutes les apparences restent pour le gouvernement et si M. Canovas del Castillo a la majorité qu’on lui prédit déjà, il n’est certainement pas homme à s’en servir pour des réactions qui ramèneraient bientôt peut-être l’Espagne et la régence à des agitations nouvelles.

Élections et réunions de parlemens, c’est l’affaire du jour. La saison politique va recommencer un peu partout, à Londres comme à Berlin, à Rome comme à Paris. Dès le 2 janvier, les cortès portugaises, pour leur part, se sont rouvertes à Lisbonne. Il est vrai qu’après avoir été suspendues depuis près d’un an, elles n’ont été rouvertes l’autre jour que pour être de nouveau fermées, pour être encore une fois ajournées au mois d’avril. Le roi dom Carlos n’a pas moins saisi cette occasion d’une séance presque unique pour exposer les affaires du pays, l’état d’une crise à la fois diplomatique et intérieure, qui n’est malheureusement pas encore finie. Le jeune souverain a peut-être mis un peu d’optimisme dans son langage, il a parlé de façon à rassurer l’opinion. C’est