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jamais il ne fait le savant, encore moins le pédant. Il n’a garde d’étaler une facile et vaine érudition d’aliéniste. Il a pu écrire son drame et tous peuvent l’entendre sans la moindre notion technique des maladies cérébrales. Les jeunes réalistes, naturalistes, matérialistes, physiologistes de l’heure présente et du Théâtre-Libre auraient sans doute fait le contraire. Ils auraient penché aussi vers un autre dénoûment. Ils auraient parié pour le désespoir ; M. Daudet a tenu pour l’espérance. Il n’a pas conclu comme pouvaient s’y attendre quelques-uns de ceux qui se réclament de lui, se disent tout haut ses disciples ou ses égaux et tout bas ses maîtres. Il a protesté contre la fatalité qui nous épouvante, au nom de la volonté et de la liberté qui nous rassurent. Il a opté pour la raison et selon la raison, car il est raisonnable d’espérer que Didier d’Alein ne deviendra pas fou, et cela est consolant aussi. Et puis, comme dit Hornus à M. de Castillan, en parlant de Didier : « Vous avez peur de l’hérédité, de son hérédité. Mais lui, qui le garantit de la vôtre? » Et il poursuit: « Que deviendrait-on si l’on scrutait ainsi le passé de tous et le lointain des générations ? » Il avait raison, le vieux sage, et nous rappelait un vers de l’Espoir en Dieu :


Vous les voulez trop purs, les heureux que vous faites !


Si le mariage, comme le disent quelques personnes mariées, est le ciel sur la terre, qu’il ne les veuille pas plus purs que le ciel de là-haut, les heureux qu’il fera, ou bien il n’en fera jamais.

L’Obstacle est bien joué : par M. Lafontaine, avec l’onction, la sensibilité romanesque et un peu chevrotante qui sied au personnage; par Mme Pasca, de tout point excellente et dont le talent nous a semblé aussi ferme, aussi sobre, aussi dramatique et moins nerveux qu’il y a deux ou trois ans; par M. Raphaël Duflos enfin, dont nous n’espérions ni cette émotion, ni cette tendresse. Mme Sizos pèche par un peu de maniérisme, et M"° Desclauzas, dans un rôle dangereux, par l’excès de ses qualités comiques.

La Comédie-Française, avant la grosse partie de cet hiver, qui se jouera dans quelques jours, en a gagné une petite, grâce à un aimable proverbe en un acte de M. de Courcy : une Conversion. Quoi qu’en ait dit l’auteur du Caprice, le père des proverbes en un acte, ce ne sont pas toujours les jeunes curés qui font les meilleurs sermons. Il frise la cinquantaine, le beau Raoul de Briche, qui sermonne la petite Mme de Champnollin, la femme d’un de ses bons amis. M. de Champnollin délaisse sa femme, qui s’ennuie et se distrait au bal, au théâtre; plaisirs innocens encore, mais dangereux au gré de l’amitié inquiète de Raoul. Voilà pourquoi Raoul prêche ; mais il prêche d’étrange sorte : d’abord