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du congrès, parce qu’on craignait que La Fayette ne se fût engagé sur les lacs dans la saison où les glaces commençaient à fondre. Les contre-ordres seraient arrivés trop tard, et il reçut pour sa clairvoyance des complimens tant du ministre de la guerre, le général Gates, que de Washington,

À son retour du camp, on lui confia la mission de faire prêter entre ses mains, dans toute la région des États-Unis du Nord, le serment solennel « de reconnaissance de l’indépendance et d’éternelle renonciation à George III, à ses successeurs et à tout roi d’Angleterre. » Peu de temps après, Siméon Deane apportait enfin le traité de commerce entre la France et les États-Unis d’Amérique.

C’était un grand événement. Le docteur Franklin, Silas Deane et John Adams, accompagnés de tous les Américains présens à Paris, avaient été présentés au roi et à la famille royale. Ils s’étaient rendus ensuite chez la jeune Mme de La Fayette, qui se trouvait à Versailles, voulant par cet acte solennel témoigner combien ils se croyaient redevables à son mari de l’heureuse tournure que leurs affaires avaient prise[1].

La nouvelle du traité fît une grande sensation en Amérique et surtout à l’armée. La Fayette était, depuis quelques jours, revenu de son commandement du Nord au quartier-général de Washington. En apprenant cette heureuse nouvelle de l’alliance française, il avait embrassé avec des larmes de joie son illustre ami. En notifiant le traité au cabinet britannique, les ministres de la cour de Versailles se servaient de cette expression : — « Les Américains étant devenus indépendans par leur déclaration de tel jour. » — « Voilà, dit en souriant La Fayette, un principe de souveraineté nationale qui leur sera rappelé un jour chez eux. » — La Révolution française et la part qu’il y a prise devaient vérifier cette prédiction. Il pouvait être fier, du reste, de ce résultat ; il était pour beaucoup dans l’enthousiasme qui avait électrisé en France l’opinion publique, avait eu raison de la ténacité de Maurepas et encouragé l’esprit politique de M. de Vergennes. Le tort du gouvernement de Louis XVI avait été de ne pas prévoir assez la guerre, ou du moins de s’y préparer fort mal[2].

Le 2 mai 1778, l’armée américaine fit un feu de joie, et La Fayette, ceint d’une écharpe blanche, passa dans les rangs, accompagné de tous les Français. De leur côté, les troupes anglaises, prévoyant une coopération des nouveaux alliés des États-Unis, se préparèrent à abandonner Philadelphie.

  1. History of the American Révolution, by doctor Ramsay. Philadelphie, 1789.
  2. Mémoires de ma main, p. 46.