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lettre de convocation aux personnes pouvant reconnaître les cadavres, déclarations de reconnaissance rédigées sur l’attestation de deux témoins, vérification de l’état civil, demande d’autorisation de sortie du corps adressée au préfet de police, avec un rapport en double exemplaire sur le signalement de l’individu et la désignation de tous les objets trouvés en sa possession, envoi d’un permis d’inhumer au parquet, restitution des objets réclamés par les familles, inhumation des individus inconnus ou non réclamés, classement et destruction des vêtemens abandonnés, confection des dossiers individuels, préparation et classement des photographies, rapports à envoyer à chaque instant au parquet et à la prélecture de police. À ces travaux, dont j’emprunte la liste à M. Guillot, il faut ajouter tout ce qui concerne le service du cours, la préparation du matériel et le détail des autopsies, dont un résumé sommaire est établi en double.

Le greffe doit enfin s’occuper de la rédaction des statistiques annuelles et de la tenue de sept gros registres, dont les deux premiers sont de véritables monumens et méritent de nous arrêter, parce que c’est en bonne partie sur eux que roule le service et qu’ils représentent, réunis, le « grand livre» de la maison. Ils sont tenus comme dans la banque la plus soucieuse de son bilan.

Voici d’abord le registre des déclarations (il y en a en réalité deux, dont l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes). C’est là que sont consignés tous les renseignemens possibles sur les individus dont la disparition est signalée soit par les familles, soit par la préfecture de police. En face du nom se trouvent inscrits l’âge du disparu, les dates précises de la disparition et de la déclaration. Vient ensuite le signalement de l’individu, l’énumération des bijoux, papiers, objets divers qu’il pouvait avoir sur lui, la description de ses vêtemens, les initiales de son linge. Les déclarans donnent ensuite leur nom, leur adresse et signent; il ne reste plus alors en blanc que la large colonne des « annotations, » où sera consigné tôt ou tard le résultat des recherches. Sera-ce demain, dans un mois, dans un an? Personne ne peut le dire à l’infortunée famille qui vient de coucher un des siens sur le terrible registre. De nouvelles déclarations en font rapidement tourner les pages[1], et le greffier est souvent obligé de revenir bien en arrière pour inscrire de son gros crayon bleu le dernier mot du drame : « Déposé à la Morgue. — Repêché et conduit à domicile. — Retrouvé dans un asile. » Heureux quand il peut boucler une déclaration par cette mention laconique : « Rentré dans sa famille.»

  1. Il y a de dix à vingt inscriptions par jour.