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celui qui les étudie, après d’arides recherches, des momens de surprise qui ont leur prix. Je n’ai pas craint, il y a peu d’instans, de faire sourire le lecteur par des anecdotes de coulisse tirées des papiers de l’armée de Flandre, ceux de l’armée d’Italie présentent un autre genre d’agrément. Qui ne serait touché d’y rencontrer des détails d’intérieur et de familiarité domestique comme ceux-ci? « Donnez, écrit le maréchal à son frère, les ordres nécessaires pour nos équipages. Je porte un lit de fer léger pour l’enfant. » Et en post-scriptum à une lettre tracée d’une main enfantine : « Vous trouverez, mon cher oncle, un pâté dans la lettre de mon cher papa où il y a de mon écriture. Je vous avertis qu’il n’est pas de moi; j’avais presque envie de le mettre à la marge : je suis bien aise de vous avertir, parce que vous connaissez mon inclination pour toutes sortes de pâtés. »

Les troupes espagnoles et françaises passèrent en commun le Var dès les premiers jours du printemps, et, comme pour répondre au vœu secret du maréchal, débutèrent par un fait d’armes dont l’heureux succès dut être attribué principalement au chevalier. Les Autrichiens, ne possédant plus un pouce du sol français sur la terre ferme, restaient encore maîtres des îles Sainte-Marguerite, et six gros vaisseaux anglais croisant en vue des côtes, sous la conduite de l’amiral Byng en personne, pour prévenir tout débarquement, semblaient rendre impossible de les en déposter. On réussit cependant à tromper la vigilance de l’amiral. Une flottille de bâtimens de transport vint silencieusement prendre à Cannes son chargement d’hommes, de canons et de munitions de toute espèce; puis, un gros orage ayant, un soir, obligé les vaisseaux anglais d’aller chercher un refuge dans le port de Villefranche, tout se trouva prêt d’avance; le lendemain, la descente dans l’île put être opérée en quelques heures. La tranchée fut immédiatement ouverte devant le fort de l’île principale, et le capitaine autrichien, pris au dépourvu, dut capituler et se rendre prisonnier de guerre avant que l’amiral Byng, prévenu de la surprise, eût pu donner le signal de retour à son escadre. L’exécution de ce coup d’audace avait été confiée au brave Chevert, qui l’accomplit avec sa précision et sa vigueur habituelles ; mais la pensée première et l’habile combinaison des préparatifs étaient l’œuvre du chevalier, et le maréchal, arrivé au camp de la veille seulement, tint à lui en rendre publiquement le témoignage.

Les Gallispans, entrés aussitôt dans le comté de Nice, n’y rencontrèrent ni une plus longue, ni une plus forte résistance : au bout de quelques semaines, la ville de Nice même avait fait sa soumission sans combat ; les forts de Montalban et de Villefranche cédaient au premier coup de canon, et le siège était mis devant la