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de la cité, d’autant plus que l’avenir promettait encore plus d’une perspective flatteuse du même genre, la marine de France ainsi réduite ne pouvant plus guère suffire à faire la police de la mer, ni à protéger son commerce. « C’est le dernier soupir de notre marine, » disait d’Argenson (dans le journal dont il avait repris la suite au fond de sa retraite), et cette réflexion un peu chagrine n’était pas dépourvue de vérité. Après des journées pareilles le parlement, de quelque humeur d’économie qu’il lût animé, aurait eu mauvaise grâce à chicaner sur l’argent qu’on lui demandait, quand on pouvait prétendre qu’en définitive il était placé à gros intérêts.

On voit qu’en fin de compte, ceux qui descendaient en champ clos n’y portaient guère moins d’obstination et d’ardeur que par le passé. En revanche, ceux qui s’étaient abstenus d’y paraître, les témoins et les neutres, éprouvaient moins d’envie que jamais de s’y engager. La neutralité de l’empire, encore douteuse l’année précédente, était, cette fois, tout à fait assurée. La diète faisait décidément la sourde oreille aux exhortations passionnées de Marie-Thérèse : à ce point que la princesse, désespérant de faire mouvoir ce corps immense et inerte, se bornait à essayer de grouper dans des associations particulières les États qui, plus exposés en cas d’invasion, pouvaient se croire plus intéressés à se mettre en garde. C’est ainsi qu’elle avait rêvé d’établir une petite confédération au sein de la grande, composée des cinq cercles du Haut et Bas-Rhin, de Souabe, de Bavière et de Franconie; mais cette tentative restait également sans résultat, parce que la France conservait parmi les princes, compris dans ces circonscriptions administratives, des amis ou des partisans attachés à sa cause soit par affection héréditaire, soit par des motifs moins désintéressés. C’était le cas du duc de Wurtemberg dans le cercle de Souabe et de l’électeur palatin dans le Haut-Rhin, et ce dernier apportait un concours d’autant plus efficace, qu’à sa dignité personnelle, il joignait la qualité de chef de la maison de Wittelsbach, dont la branche cadette régnait en Bavière et fournissait habituellement, suivant une coutume consacrée par le temps, un souverain ecclésiastique à l’électorat de Cologne. D’Argenson lui avait très heureusement suggéré l’idée d’user de son autorité de chef de famille pour unir dans une ligne de conduite commune, par une sorte de pacte domestique, les trois souverains issus du même sang. Cologne et Bavière avaient bien quelque peine à s’y décider, étant liés, chacun pour son compte, envers les puissances maritimes ou l’Autriche par des obligations dont aucune n’était gratuite. Mais comme ce n’était qu’une surenchère à établir, et que la France ne se refusait