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criminels, soit en leur faveur. En vertu d’une loi du 28 juillet 1800, votée à la suite d’un attentat commis à Drury-Lane contre la vie du roi par le fou Hadfield, les cours de justice anglaises durent enjoindre que toute personne acquittée comme irresponsable du crime à raison de son état mental serait retenue sous une étroite surveillance. Des établissemens spéciaux ont été créés, en 1850, à Dundrum pour l’Irlande ; en 1858 à Perth pour l’Écosse ; en 1863, à Broadmoor pour l’Angleterre ; d’autres se sont fondés aux États-Unis et au Canada. Mais au contraire, à Paris, la préfecture de police, recevant de la justice un prévenu que celle-ci regarde comme irresponsable, peut, à la condition de ne pas le laisser en prison, agir à sa guise ; soit le rendre à la liberté, c’est-à-dire le mettre à même de recommencer, presque sans interruption, ses tristes exploits, soit le placer dans un asile où il ne sera pas soumis à un régime spécial, c’est-à-dire où toutes les facilités lui seront offertes pour une évasion[1]. Aussi ne sommes-nous pas éloigné de partager l’avis des docteurs Semai et Motet, qui proposèrent, au congrès international de 1889, la fondation d’asiles spéciaux, « tels que ceux de Broadmoor et de Montelupo, » pour les aliénés criminels. Il n’est pas inutile de remarquer que le principe même de cette réforme vient d’être accepté par les rédacteurs du code pénal italien, si rebelles aux utopies de la nouvelle école, et même par le sénat français[2].

Tel n’était pas sans doute, au congrès de 1889, l’avis de M. Bajenof, directeur d’un asile où les aliénés criminels sont confondus avec les autres malades. Celui-ci ne trouve aucun motif pour distinguer les uns des autres, ne s’étant jamais aperçu « que les aliénés envoyés après un crime eussent exigé le moindre changement dans le régime de la maison. » Cette maison est assurément favorisée du sort, et ses cliens sont atteints d’une folie bien douce. Cependant le sens commun prescrit d’isoler les fous violens, les fous homicides, ceux qu’un délire érotique pousse aux attentats contre les mœurs, et bien d’autres encore. Il faut sans doute leur infliger un traitement spécial, intimider ceux que la crainte peut contenir, en tout cas les surveiller plus étroitement, défendre le personnel de la maison contre leurs excès, prendre des mesures rigoureuses pour empêcher leur évasion. Mais tout cela n’est possible que si l’on crée soit des quartiers distincts dans le même établissement, soit des établissemens distincts.

  1. Et où le chef de service, ajoute M. Adolphe Guillot (les Prisons de Paris, p. 180), qui ne connaît ses antécédens que d’une manière inexacte, se hâtera de le mettre dehors à la moindre apparence de guérison.
  2. Le 7 mars 1887 dans le projet de révision de la loi du 30 juin 1838.