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pas allé jusqu’aux rudimens de la langue. Il accompagna cet essai de glossaire d’un essai de grammaire. (On les trouve réimprimés tous deux dans la publication de M. Charles Ravaisson-Mollien, t. IV, I, fol. 50 et suiv., 123 et suiv., et fol. 138.) Le désir d’étudier dans le texte original Vitruve, Pline et tutti quanti, fut probablement pour autant dans cette détermination que la vaine satisfaction de tenir tête aux humanistes groupés autour du More. Qui mieux que Léonard eût pu s’appliquer cette devise : Sempre imparo ! — j’apprends toujours !

Dans le fameux manuscrit connu sous le titre d’Atlantico, Léonard nous a laissé le catalogue de sa petite bibliothèque. Elle comprenait trente-sept ouvrages appartenant à toutes les branches des connaissances humaines, depuis la théologie jusqu’à l’agriculture et même la magie. Léonard avait en outre emprunté un certain nombre de volumes à ses amis : un Vitruve, un Marliano, de Calculatione, un Albert le Grand, une Anatomie, un Dante. Il résulte des doctes recherches du marquis d’Adda que ces différens ouvrages existaient tous dès le XVe siècle à l’état d’imprimés. Pour former sa collection, le Vinci n’eut donc le plus souvent qu’à s’adresser aux imprimeurs mêmes de Milan ou des environs, car c’est en Lombardie que la plupart de ces éditions avaient vu le jour.

On est surpris de voir l’élément littéraire tenir une si grande place dans les études de Léonard ; Ovide, Dante, Pétrarque, coudoient le Pogge, Philelphe, Burchiello, Pulci ; la Rhétorique nouvelle a pour pendant le Formulaire épistolaire. La philosophie ne le cède guère à la poésie dans cette bibliothèque en miniature : les titres seuls des traités prouvent le large éclectisme du possesseur : il a associé Albert le Grand et le Doctrinal à Diogène Laërce, à Platina, à Marsile Ficin. La religion et la morale ne sont pas oubliées ; elles sont représentées par la Bible, les Psaumes, Ésope, les Fleurs de vertu, de même que l’histoire a pour champions Tite-Live, Justin, la chronique d’Isidore. Des traités spéciaux, — arithmétique, cosmographie, art militaire, médecine, anatomie, agriculture, — complétaient l’encyclopédie de Léonard. On remarquera surtout la section consacrée à l’histoire naturelle : elle comprend les ouvrages de Pline, de Jean de Mandeville, et un Lapidaire, c’est-à-dire des compilations où la légende tient autant de place que la science. Insistons sur ce dernier point : Léonard a partagé beaucoup d’erreurs de son temps : la preuve en a été faite récemment à l’occasion de son Traité sur les animaux. Ce Traité, conservé en manuscrit à la bibliothèque de l’Institut, contient, en effet, une longue dissertation sur les vertus mystérieuses de toutes sortes de quadrupèdes, de volatiles, de reptiles ou de poissons. Or cette dissertation, un des maîtres de l’histoire de l’art, M. A. Springer, vient