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qui caractérisait ce puriste par excellence, cet équilibre parfait des différentes parties de l’édifice, rattachées au corps du bâtiment central par un lien véritablement organique et vivant. Les églises à plan concentrique, c’est-à-dire avec les bas côtés et les chapelles groupées, le plus étroitement possible, autour d’une coupole centrale qui régnait en quelque sorte également sur toutes les parties de l’édifice, ce système particulièrement cher aux Byzantins, semblent avoir eu toutes les préférences du maître. Il en a esquissé un grand nombre dans les feuillets publiés par M. de Geymüller. Son chef-d’œuvre, dans le domaine de l’architecture circulaire, est un projet de mausolée (inspiré peut-être de celui d’Halicarnasse, qui subsistait encore en partie au commencement du XVe siècle) ; la disposition en est aussi simple que grandiose : elle suffirait, d’après M. de Geymüller, à ranger Léonard au nombre des plus grands architectes qui aient jamais existé.

En tant qu’architecte, Léonard, ajoute M. de Geymüller, procédait en droite ligne de Brunellesco. C’est ainsi qu’il releva le plan de l’église Santo-Spirito de Florence, qu’il esquissa une vue latérale de l’église San-Lorenzo dans la même ville et composa un plan presque identique à celui de la fameuse chapelle des Anges, trois des chefs-d’œuvre de Brunellesco. Il s’inspira en outre, dans ses projets d’églises, de la coupole et de la lanterne de Sainte-Marie des Fleurs. Il est possible que l’influence d’un autre de ses compatriotes florentins, le grand Léon-Baptiste Alberti ne se soit exercée sur lui qu’après son arrivée à Milan, par l’intermédiaire de Bramante, qui, à tant d’égards, reprit et développa les données d’Alberti. Mais ce fut surtout Bramante, dans sa manière classique, plutôt que dans sa manière lombarde, qui agit profondément sur lui.


Léonard faisait alterner avec ses travaux d’architecte d’importans travaux d’ingénieur. En 1492, Ludovic le More, s’occupant de tirer parti des eaux du Tessin pour l’irrigation de la rive droite du fleuve, le chargea des études préparatoires. L’artiste-ingénieur commença vers cette époque ses recherches sur le moyen de rendre navigable le canal de la Martesana depuis Trezzo jusqu’à Milan et dans le circuit même de cette ville[1].


Léonard ne se contentait pas de produire, il voulait en même temps enseigner. Aussi devons-nous accorder une mention spéciale

  1. Telle n’est point toutefois l’opinion d’un juge pour les lumières duquel je professe la plus grande déférence : M. Lucas Beltrami. Dans un mémoire dont je me réserve de discuter ultérieurement les conclusions, il a cherché à démontrer que Léonard n’avait pris qu’une part indirecte à l’établissement du canal.