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peu effrayés et de l’excès des arméniens et des dépenses auxquelles on ne pourra faire face que par des impôts nouveaux. Les plus hardis demandaient tout au moins, en compensation de l’accroissement des effectifs, une réduction du service à deux ans. Les représentans du gouvernement, le chancelier de Caprivi, le ministre de la guerre, le général Verdy du Vernois, n’ont pas, bien entendu, admis la compensation, et ils n’ont pas même dissimulé qu’on tenait en réserve de nouveaux projets. On en est encore là. Le gouvernement aura sans doute ce qu’il demande. Il sera plus heureux dans ses affaires militaires qu’il ne l’a été dans une discussion récente où il s’agissait de décider ce qu’on ferait des sommes confisquées ou retenues sur les traitemens ecclésiastiques pendant la campagne du kulturkampf. Le ministre des cultes, M. de Gossler, demandait pour le gouvernement le droit de disposer de ces sommes ou des intérêts, qu’il affecterait selon son gré aux menses épiscopales. Le chef du centre catholique, M. Windthorst, veut qu’on rende simplement à l’église ce qu’on lui a pris, ce qui lui appartient. On a eu beau lui laisser entendre que le Vatican se prêtait à la transaction proposée ; M. Windthorst a tenu bon, et c’est lui qui a eu le dernier mot, qui a fait échouer le projet de M. de Gossler. Malgré ses quatre-vingts ans, M. Windthorst est un habile stratégiste parlementaire qui sent sa force, qui vient encore une fois d’en donner la mesure et qui est homme à faire ses conditions dans le vote des nouvelles lois militaires. Au fond, dans toutes ces affaires, dans tous ces débats, on sent que la politique du nouveau règne en est encore à se dégager, que le coup de barre du jeune empereur a pu changer l’ancienne direction sans donner une direction nouvelle bien précise.

Que l’Autriche se ressente aussi bien et encore plus peut-être que l’Allemagne des derniers événemens, cela n’est pas douteux, et l’Autriche s’en ressent d’autant plus que, si elle a toujours à soutenir sa politique extérieure, à faire bonne contenance, elle a des troubles, des tiraillemens, des conflits intérieurs qui sont pour elle un perpétuel embarras. Il n’y a que quelques jours, les délégations austro-hongroises se sont réunies à Pesth ; elles ont été inaugurées par un discours de l’empereur François-Joseph, qui n’a pas manqué de leur rappeler les intérêts communs de l’empire, les obligations qui lient l’Autriche, la nécessité de développer sans cesse la puissance militaire de la monarchie. Après l’empereur, le comte Kalnoky, dans ses explications, s’est efforcé de démontrer que rien n’était changé, que si M. de Bismarck avait été l’initiateur de la triple alliance, l’empereur Guillaume II et M. de Caprivi étaient résolus à la continuer, que l’Autriche se devait à elle-même d’avoir des forces suffisantes pour garantir sa sûreté et l’efficacité de sa politique en Orient comme en Europe. Soit, c’est le thème officiel. Quelles que soient les apparences cependant, un certain doute