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avec eux les clauses de l’association nouvelle. Résolument intransigeant, toujours rebelle à toute intervention du pouvoir législatif dans le domaine qu’il attribuait exclusivement à son autorité souveraine, le roi ne consentit à aucun sacrifice dans l’élaboration du pacte fédéral. Il ne voulut reconnaître au parlement aucun droit de nature à limiter son action personnelle, telle qu’il l’avait comprise et pratiquée depuis son avènement. Issu du suffrage universel, le parlement, de son côté, se montrait exigeant et réfractaire. Le conflit du pouvoir royal et de la chambre des députés menaçait de se renouveler avec la représentation élue de la confédération du Nord ; M. de Bismarck voulut le conjurer. Il conseilla des dispositions transactionnelles ; les petites lettres, dont la main du maître l’honoraient trop souvent, y firent obstacle. Ces lettres l’exaspéraient ; il n’employa pas moins toutes ses habiletés à défendre et à faire prévaloir les revendications du monarque. La tâche fut difficile et souvent pénible. Après de longs et laborieux efforts, il parvint cependant à satisfaire le roi sans trop mécontenter le parlement, de sorte que la constitution tut votée sans soulever de fâcheux débats. Sa santé en fut sensiblement éprouvée, et c’est à dater de cette époque qu’il a souvent invoqué, on le sait, l’état d’énervement, dont il a quelquefois sérieusement souffert, pour se soustraire, en s’éloignant, aux difficultés de sa situation et plus particulièrement aux exigences du souverain. En cette occasion encore, il faut le reconnaître, cette volonté, qu’on a prétendue vacillante et soumise, loin de s’effacer ou de se démettre, s’est imposée fermement et a triomphé de tous les obstacles. M. de Bismarck ne l’a pas regretté lui-même, plus tard, dans les discussions qu’il a eu à soutenir devant le parlement : il a largement usé du pouvoir exorbitant qui lui était dévolu grâce à l’invincible résistance du roi.

On sait, en effet, l’étendue de l’autorité que le pacte fédéral confère au président de la confédération et à son chancelier. Au point de vue militaire, le roi de Prusse est investi d’une puissance absolue, et afin que rien ne pût en entraver l’exercice durant une longue période, il a exigé, par une innovation étrange à notre époque, que le budget de la guerre, en hommes et en dépenses, fût voté pour plusieurs années. Il peut déclarer la guerre et signer la paix sans recourir au parlement. Au point de vue politique, le chancelier, unique dépositaire du pouvoir exécutif, ne relève que du président de la confédération, aujourd’hui l’empereur d’Allemagne, et par un renversement de tous les principes en pareille matière, il préside le Bundesrath, la seconde chambre de l’association fédérale, qui partage, avec le parlement, la puissance législative,