Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/799

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est parce que le mouvement iahvéiste des prophètes était un retour en arrière, un effort pour revenir à une religion plus ancienne et plus pure, que le grand mouvement prophétique du VIIIe siècle ressemble si fort au protestantisme. L’œuvre des prophètes qui entourent Ézéchias, sans être entièrement maîtres de lui, consista à épurer, à éliminer des scories. Le caractère essentiel du judaïsme est dès lors nettement marqué ; c’est une réforme de puritains, une négation, une religion de mesures préventives et de précautions. Jamais l’ancien iahvéisme n’avait réussi à écarter absolument les superstitions, soit qu’elles vinssent des nomades antiques, soit qu’elles fussent des imitations des cultes chananéens et araméens. Les sages se contentaient de sourire de ces inepties et ne trouvaient pas mauvais que leurs femmes eussent des petits dieux grotesques dans leurs poches et leurs bagages. Vers le milieu du VIIIe siècle, on y regarda de plus près. Deux devoirs s’imposaient aux puritains, d’abord chasser tout ce qui n’était pas le iahvéisme, puis dégager le iahvéisme lui-même des tolérances, qui, selon les prophètes, en ternissaient la pureté.

La destruction du royaume et des sanctuaires du Nord donna au temple de Jérusalem une importance considérable. Jusque-là, ce petit naos n’avait guère été que la chapelle particulière du roi de Jérusalem. Maintenant, chaque jour voit grandir ses destinées. Il va devenir le sanctuaire national d’Israël tout entier ; une piété ardente s’attache à lui ; une foule de zélateurs se font un point d’honneur de sa pureté absolue. Isaïe pensait sans doute trop peu à cette petite maison de pierre pour qu’il ait pu rien conseiller au roi à ce sujet. On ne voit pas, d’ailleurs, que son habitude ait été de prendre les portiques du temple pour lieu de ses prédications, ainsi que le firent d’autres écoles prophétiques. Le temple, sous Ézéchias, fut purifié, sanctifié, non embelli, ni développé. Il lui arriva comme à une église du moyen âge, Saint-Pierre de Genève, par exemple, subissant l’influence de Calvin. Il est possible que plusieurs des motifs de l’ornementation du temps de Salomon, à laquelle ne présida pas un esprit très rigoriste, aient été soumis en ce temps à des retouches sévères, et peut-être ce fait, qui nous a surpris, d’absence de représentations figurées dans la description des décors du temple, vient-il, non du goût du fondateur, mais des actes de vandalisme, comme nous dirions, auxquels se livrèrent les zélotes d’un âge postérieur. On ne saurait, cependant, appuyer trop sur cette hypothèse. Si de telles retouches eussent été considérables, il semble bien que quelque texte nous en aurait gardé le souvenir. Nous connaissons, en effet, par un texte formel, l’acte le plus hardi que l’esprit iconoclaste dicta aux nouveaux réformateurs.