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creuser une conduite souterraine qui y amenait, dans la saison des pluies, les eaux de la piscine supérieure (Birket Mamillah), alimentée elle-même par les eaux du plateau.

Les travaux du siloh paraissent avoir été exécutés du temps d’Achaz. Peut-être lurent-ils achevés sous Ézéchias ; du moins on les lui attribua. Ce siloh ou « émissaire » était un canal souterrain destiné à porter aux jardins royaux et à la porte du Sud-Est les eaux de la fontaine Gihon, peut-être aussi à les soustraire à l’action de l’ennemi. Une inscription, récemment découverte, nous apprend que le travail de percement fut entrepris par les deux extrémités et montre la peine qu’eurent les deux brigades de travailleurs à se rejoindre sous la colline. L’examen du travail souterrain montre à la fois beaucoup de hardiesse et beaucoup d’hésitation dans une œuvre qui devait, en l’absence de mires perfectionnées, présenter d’énormes difficultés.

L’art hébreu paraît avoir atteint son plus haut degré sous Ézéchias. L’enlèvement des objets d’art, sous Achaz, fut bien vite réparé. Le palais retrouva tous ses ornemens, et nous verrons Ézéchias, sur la fin de son règne, fier des richesses ciselées qu’il avait su amasser. Le style assyrien luttait déjà avec avantage contre l’imitation égyptienne, que les Phéniciens avaient mise à la mode ; un autre symbolisme tendait à prévaloir. Le temple était rétabli en sa splendeur, bien que la simplicité du culte ne fût pas altérée. On ne sait rien des habits sacerdotaux de ce temps. Les troupes de lévites et de chanteurs que l’on imagine comme une vaste maîtrise autour du temple sont des imaginations de l’auteur des Chroniques, empruntées au second temple. Aux fêtes de Pâques, on chantait des cantiques ; dans les marches du pèlerinage, on s’accompagnait de la flûte ; les sentimens religieux s’exhalaient au son des neginoth ; mais rien ne prouve que la musique du temple fût déjà organisée. Les prophètes, qui avaient si fort déprécié les cohanim, n’étaient pas favorables à l’application de l’art à la religion. Leur culte était tout abstrait. À quoi bon ces pompes, cet appareil extérieur ? Dieu ne demande à l’homme que la justice et la pureté du cœur.

Les utopies socialistes ont besoin, pour se développer librement, d’un temps assez prospère. On ne déclame bien à son aise que quand on n’est pas trop malheureux. Quoi qu’en dise Isaïe dans ses momens de mauvaise humeur, le gouvernement réalisait la mesure d’ordre et de justice dont le pays et le temps étaient capables. Mais les grandes races sont incontentables ; elles réclament toujours contre l’insuffisance de la dose de liberté et