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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

La seconde quinzaine de mai a vu la rente 3 pour 100 atteindre le cours de 90 francs, et, après quelques jours à peine de repos, s’élancer vers le cours de 91 francs, qu’elle a effleuré, à 15 centimes près, sur le marché du comptant. La rente amortissable a marché du même pas et s’est établie au-dessus de 94 francs, conservant avec le fonds perpétuel un écart que ne justifie plus le maigre bénéfice du remboursement éventuel au pair dans une période maxima de plus de soixante ans.

La cause immédiate de ce brusque mouvement a été la réponse triomphante de M. Rouvier, ministre des finances, à l’interpellation de M. Laur sur les achats du 3 pour 100 de la caisse des dépôts et consignations avec les capitaux des caisses d’épargne. La réponse a-t-elle été bien topique ? on n’oserait l’affirmer ; mais la chambre a acclamé le ministre déclarant solennellement, du haut de la tribune, que les achats des caisses publiques s’étaient effectués avec la plus entière régularité, et qu’ils avaient contribué, sans faire courir aucun risque à l’épargne, à consolider le crédit de la France, à l’élever à une hauteur où jamais jusqu’alors il n’était parvenu.

Cette séance mémorable a été l’occasion déterminante de la conquête du cours de 90 francs. Mais les raisons de la hausse des derniers six mois sont plus lointaines et plus profondes. Le grand succès de l’Exposition, l’énorme accroissement des capitaux disponibles, la défaite du boulangisme, la détente dans les relations internationales, la paix de plus en plus fortement garantie à l’Europe et pour de longues années, enfin l’excédent considérable de la production de l’épargne sur la création des placemens de premier ordre offerts aux capitaux, tels sont les principaux facteurs d’un mouvement qui ne s’est pas restreint à nos fonds nationaux, mais auquel ont pris part toutes les rentes étrangères.

Depuis longtemps déjà il n’a été ni émis de bons à long terme, ni créé de rentes nouvelles par le Trésor français. Le stock des obligations de nos grandes compagnies de chemins de fer ne s’est accru en 1889 que de 160 millions de francs. La proportion des titres nominatifs est de 65 pour 100 pour les rentes, de 67 pour 100 pour les actions et obligations de chemins de fer. Ces faits et d’autres analogues, qui ont été fort justement mis en relief et méritent d’attirer la plus sérieuse attention, expliquent suffisamment pourquoi notre fonds