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braves sans-culottes de Louveciennes, ami de Franklin et de Marat, factieux et anarchiste de la plus belle eau, et désorganisateur du despotisme pendant vingt ans dans les deux hémisphères. » Il ne se lasse pas de demander sa tête ; il la fait arrêter une première fois au commencement de juillet 1793, puis en septembre, et il fait route avec elle dans la voiture de louage qui l’emmène à Paris. « Ce qui put se passer entre eux est un mystère. Était-il amoureux d’elle et fut-il repoussé avec horreur ? Ou lui offrit-il la vie et la liberté si elle consentait à financer ? » Il est permis de croire qu’il convoitait à la fois et la femme et son argent. A deux reprises, on la relâche à la demande des habitans de Louveciennes, qui se louent de ses bontés. Enfin, au mois de novembre, son sort se consomme, et Grieve tour à tour est témoin à charge dans son procès ou s’occupe à retrouver des bijoux enfouis sous des fumiers. M, na Du Barry avait eu pour l’avant-dernier de ses amans et pour le plus romantique de ses adorateurs, un Anglais, Henri Seymour ; un autre Anglais l’a tuée.

Un terroriste plus important que Grieve fut le fabricant de papiers peints qui s’appelait John-James Arthur, et qu’on s’obstinait à surnommer l’Anglais, quoiqu’il fût né à Paris. En 1786, il avait acheté un immeuble sur le boulevard, à l’angle de la rue Louis-le-Grand, en face du pavillon de Hanovre, et il eut d’interminables difficultés avec le duc de Richelieu, qui lui interdisait d’ajouter un étage à sa maison. La révolution fit de lui un personnage. Il devint président de la section des piques, membre actif du club des Jacobins, où il pérorait souvent. En 1792, il fit partie de la Commune, et, comme le remarque M. Alger, il siégea dans le comité central en compagnie de Pache et de Marat, qui étaient Suisses d’origine, de Dubuisson et de Péreire qui étaient Belges, de Proly et des deux frères Frey qui étaient Autrichiens, de l’Espagnol Guzman et de l’Italien Dufourny.

Arthur était un représentant achevé du sycophantisme révolutionnaire. Il dénonça deux de ses collègues pour avoir eu au Temple des entretiens secrets avec Marie-Antoinette. Il dénonça des spéculateurs qui fondaient la monnaie de cuivre. Il dénonça de prétendus agens de Pitt qui, dans le dessein d’affamer la France, complotaient d’égorger les vaches et les moutons, et il proposa que tout citoyen eût sa vache. Il témoigna contre Danton, qu’il accusait de complicité avec Dumouriez et d’avoir réprouvé comme une faute politique l’exécution de Marie-Antoinette. Cet infatigable dénonciateur fut dénoncé à son tour et guillotiné le 12 thermidor, à l’âge de trente-trois ans. On prétendit qu’il avait dévoré tout sanglant le cœur d’un Suisse tué dans la défense des Tuileries. Comme les saints, les malfaiteurs ont leurs légendes.

Si Grieve était un noir coquin, si Arthur était un Robespierre au petit pied, l’Irlandais John-Baptist O’Sullivan poussa jusqu’au fratricide les fureurs du fanatisme. Ce maître d’armes, dont la famille