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certains types campagnards, il les rend avec naturel. Une excellente étude rustique, confinant au comique, est un tout petit tableau de M. Hippolyte Fourniei, un intérieur de cabaret où mange un vagabond devant un paysan qui le contemple, le Père Avril et son hôte le prophète. On peut signaler encore, dans cet ordre d’idée, Une leçon par M. Thériat, le Blagueur, par M. Carpentier, les Commères, par M. Maximilien Colin.

Il est mieux, pour un peintre, de regarder la vie des paysans et des ouvriers par son côté grave. Il y trouvera plus facilement la vérité, la couleur, la poésie. C’est bien là, hâtons-nous de le dire, la tendance générale de la jeune école ; les farceurs y sont l’exception. Millet, Jules Breton, Bastien-Lepage, les amis sérieux du paysan, partageant ses joies saines, compatissant à ses travaux et ses peines, restent toujours les exemples qu’on aime à suivre. De ces trois maîtres, un seul est encore vivant, M. Jules Breton ; il garde toujours le rang qu’il a pris de bonne heure. Sa Lavandière revenant, sur le soir, de son travail, longeant la rivière avec son panier de linge sur la tête, n’est pas une figure inconnue ; nous l’avons déjà vue, elle ou sa sœur, moissonneuse, glaneuse, sarcleuse, ramasseuse de légumes, s’avancer ainsi, majestueuse sous ses haillons, du même pas ferme, dans la sérénité du crépuscule ; mais le paysage est autre, le vêtement est autre, la physionomie est autre, et cela suffit pour donner à cette redite un charme nouveau. La composition des Dernières fleurs est plus imprévue. La première neige, tombée dans la nuit, a couvert de son linceul blanc, les allées du jardin. Les dernières fleurs de l’automne, des chrysanthèmes, trop tard épanouies sur leurs hautes tiges, se sont réveillées en frissonnant sous cette jonchée blanche, prêtes à mourir. Une jeune paysanne, des ciseaux à la main, passe entre les rangées ; elle saisit du bout des doigts une des fleurs pour la cueillir et pour la joindre à celles qui emplissent déjà son tablier relevé. La paysanne est simple ; c’est une brave fille, fraîche, bien portante, qui coupe ces fleurs pour en orner sa chambre, ou pour les vendre, et n’affecte aucune mélancolie ; mais les contrastes de cette jeunesse insouciante, de ces fleurs condamnées, de l’hiver qui tombe, forment, dans le tableau comme dans la réalité, un de ces ensembles dont l’impression est d’autant plus pénétrante qu’elle est plus naturelle. MM. Emile Adam et Billet ne cherchent pas, non plus, dans les champs, de spectacles extraordinaires. des Ramasseuses de fagots, des Brûleuses d’herbes suffisent à l’un et à l’autre pour se montrer, dans une note légèrement affaiblie, ! de dignes élèves de M. Jules Breton. La personnalité de M. Pille est plus marquée ; dans sa Messe à Pavan, on remarque non-seulement des types villageois bien saisis et bien rendus, mais un sentiment