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artistes en réputation et dont les mérites sont connus ; parmi les mieux dessinés, au moins dans les parties principales, quelquefois avec sécheresse, toujours avec conscience, ceux de MM. Maurin, Mengin, Raphaël Collin, Buland, Aviat, George Sauvage ; parmi les plus brillans, les mieux enlevés, souvent avec des morceaux d’un bel accent, ceux de MM. Rachou, Giron, Bordes, Bengy, Franzini d’Issoncourt, Tollet, Pibrac, Desvallières, etc. Les images de petite dimension, d’un faire précis et soigné, augmentent de nombre ; c’est bon signe et tout à fait dans la tradition française. MM. Weerts, Bitte, Edouard Fournier, Gorgnet, Léon Hingre, entre autres, s’y exercent avec agrément et finesse ; il faut noter aussi le talent croissant, de plus en plus ferme, de plusieurs dames ou demoiselles, Mes J. Guyon, M. Godin, Hildebrandt, Beaury-Saurel, Mégret, Carpentier, Amans, Thorel et quelques autres. Et si l’on veut, en quittant ce Salon, rester sur sa bonne bouche, on s’arrêtera devant le Portrait de Mlle… par M. Chaplin. Chez M. Chaplin, comme chez M. Henner, on ne sait trop où commence, où finit la fantaisie ; mais quelle aisance toujours dans la grâce, et quelle vivacité brillante, savante, délicate dans le métier !


II

Dans le portrait, en somme, qui met toujours l’artiste à la fois vis-à-vis de la nature vivante et vis-à-vis des exigences extérieures, notre école se soutient, sans grand éclat, mais sans chutes profondes. Il n’en est pas de même dans tous les autres genres qui exigent des habitudes d’observation plus variée et plus soutenue, une imagination plus cultivée et plus étendue, une pratique plus complète et une science moins restreinte : l’histoire, la décoration, l’étude académique, voire même la paysannerie, la scène populaire ou mondaine.

Les plus remarquées parmi les peintures comportant un certain nombre de figures nues, celles de MM. Lequesne, Fourié, Frank-Lamy, sont assurément des travaux estimables ; on les trouverait meilleurs si l’on y sentait les bonnes intentions plus constamment soutenues par de fortes études. L’idée que se fait M. Lequesne de la beauté plastique est vive et attrayante, mais, à vrai dire, un peu commune. La Légende du Kerduek se rattache à ce cycle mystérieux et charmant de traditions celtiques dans lesquelles on voit les divinités séductrices du paganisme survivre obstinément à la victoire de l’idéal chrétien. Cependant un Breton du Finistère, un joueur de biniou, même troublé par ces vagues légendes, ne reste-t-il pas toujours un paysan et un catholique ? Je m’imagine que