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remarquables portraits se distinguent de toutes les ébauches, plus ou moins sommaires, qui les environnent. Le Portrait de Mme Kœchlin, par M. Wencker, est d’un aspect un peu froid au premier abord, mais gagne toujours à être revu. Son Portrait de M. Boulanger, le forgeron artiste, en costume de travail, dans son atelier, près de son enclume et de son fourneau, unit à la sûreté du rendu, l’agrément d’une mise en scène pittoresque et d’une vivacité expressive qui sont nouvelles dans l’œuvre de M. Wencker. C’est un des morceaux les plus intéressans du Salon. Dans les deux portraits de M. Paul Dubois, celui d’une dame âgée, en cheveux, à mi-corps, et celui d’un jeune garçon debout, en pied, en veste et culotte courte, on admire toujours cette simplicité, cette sobriété, cette délicatesse, cette conscience dans l’exécution qui donnent une si haute valeur à toutes les peintures, si modestes et peu voyantes, de notre grand sculpteur. Les deux têtes notamment : l’une douce, fatiguée, résignée, avec des yeux d’une si bienveillante douceur ; l’autre franche, saine, décidée, avec ce bel air de hardiesse et de confiance que donnent la santé et la jeunesse, portent la marque du grand artiste. Quant à M. Morot, son tout petit tableau, le portrait équestre d’une jeune amazone chevauchant à travers bois, est une des choses les plus agréables et les plus sérieuses en même temps qu’il ait peintes.

D’autres artistes moins en vue ont exposé encore des portraits intéressans, les uns par la vérité physionomique, les autres par l’entrain de la brosse, les autres par la conscience de l’exécution. Il ne manque à beaucoup, pour être des ouvrages tout à fait remarquables, qu’un accord suffisant de ces trois qualités. Une jeune fille, d’allure très simple, de tenue très modeste, sans beauté, non sans expression, par M. Lœwe-Marchand, est dessinée avec une précision et un goût qui arrêtent le regard. M. Lœwe-Marchand est un des rares jeunes gens qui regardent encore le dessin comme le principe nécessaire de l’art de peindre. On avait déjà remarqué ses études de figures, nettes et consciencieuses. Il y a quelque sentiment du même genre, une aspiration vers la distinction par l’analyse exacte et fine, chez M. Duffaud, dans un autre portrait de jeune fille, d’une harmonie délicate. En général, le malheur, chez nos portraitistes, veut »qu’ils s’en tiennent à la superficie éclatante ou délicate ; il en est bien peu qui fassent sentir la structure du corps sous les vêtemens, la solidité des ossatures sous les carnations. Parmi les portraits plus complets, ceux chez lesquels le métier se soutient le mieux d’un bout à l’autre, nous devons signaler ceux qu’ont signés MM. Doucet, Parrot, Cormon, Schommer, Thirion, Saint-Pierre, tous