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qu’en soit l’histoire pour les financiers et les économistes, consenti par la Banque à l’État pendant la guerre de 1870-1871. Ce qui a été réalisé à cette époque n’aurait pu l’être, — on peut l’affirmer hautement, — par aucune autre institution, par aucun concours de bonnes volontés. La Banque a trouvé dans la forte organisation de son crédit les moyens d’avancer à un gouvernement que le moindre caprice des événemens pouvait rejeter dans le néant d’où la révolution et la guerre venaient de le faire surgir, une somme de 1,500 millions de francs. Il faut retenir ce chiffre, car il permet de calculer ce qu’un jour, — s’il le fallait, — dans un cas suprême, l’État pourrait attendre de la Banque, avec ses forces sans cesse accrues pendant les vingt années écoulées depuis la guerre, son crédit toujours aussi puissant et précieusement conservé intact, ses moyens d’action auxquels des législateurs prévoyans se seront bien gardés de porter atteinte.

Dès le 18 juillet 1870, le ministre des finances de l’empire demandait à la Banque 50 millions de francs. Un mois après, un nouveau ministre des finances, M. Magne, successeur de M. Segris, obtint une seconde avance d’égale somme. Le 24 septembre, c’est à M. Ernest Picard, ministre du gouvernement de la défense nationale, que la Banque ouvrit un nouveau crédit de 75 millions. Avant la fin de l’année, le siège central, à Paris, avançait encore 100 millions, et le gouvernement de Tours obtenait des succursales 100 autres millions. Ces diverses conventions n’avaient été conclues jusqu’alors, au milieu du tumulte des événemens et de l’horreur des désastres, que verbalement ou par simple échange de lettres. L’État, qui n’aurait pu obtenir par l’emprunt direct que des sommes insignifiantes par suite de la détresse générale, avait déjà reçu de la Banque plus de 400 millions. Un traité en règle du 22 janvier 1871 lui en assura encore 400. En mars il en réclamait de nouveau 140, puis 75 le 15 avril, et d’avril à juin 440. Aux termes de la convention du 21 juin 1871, le total des avances de la Banque au Trésor, non compris l’avance permanente faite en vertu de la loi du 9 juin 1857, s’élevait à 1,470 millions. L’intérêt payé par l’État resta fixé, pendant l’année 1871, à 3 pour 100, et fut abaissé, à partir du 1er janvier 1872, à 1 pour 100. On sait qu’au début de la guerre un emprunt public en 3 pour 100, à 60, n’avait été que partiellement couvert, et plus tard toute opération du même genre était devenue impossible. L’État, après la guerre, fit les célèbres émissions pour la libération du territoire à un taux représentant environ 6 pour 100. Il continua cependant à ne payer qu’un intérêt de 1 pour 100 pour tout ce qu’il dut à la Banque jusqu’à l’acquittement complet du solde en 1879.