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agir au fond du sol, dans la solitude, la puissance qui fait germer les herbes et les chênes.

Les Grecs connaissaient et appliquaient ces lois. Aussi ne séparaient-ils point la gymnastique de la musique, c’est-à-dire de tous les arts consacrés aux Muses. Euripide, après avoir gagné la couronne aux jeux olympiques, écrivait Iphigénie. Dans les écoles de Charlemagne les jeux violens étaient de règle, ainsi que le tir à l’arc. M. Philippe Daryl a remarqué avec raison que la mollesse italienne s’est introduite en France avec la renaissance, d’abord dans le monde de la cour et dans les classes lettrées. Les paysans seuls avaient gardé toute leur énergie, dont ils donnèrent les preuves à la fin du XVIIIe siècle. Ce que les Médicis avaient commencé, l’affaiblissement de notre race, Bonaparte l’acheva par a vingt années de saignées consécutives ; » de plus, on y a ajouté « quatre-vingts années d’emprisonnement scolaire. » On a donc eu raison, en fondant la ligue pour l’éducation physique, d’entraîner l’État à multiplier les lieux d’exercice au grand air, les jardins publics, les champs de gymnastique et surtout de jeux. La meilleure gymnastique, en effet, est le jeu, puisque c’est la seule à la fois complète et attrayante : elle exerce tous les muscles, toutes les parties du corps, elle exerce toutes les facultés de l’intelligence, — intuition rapide, vivacité d’esprit, imagination, surtout volonté et énergie, — toutes les qualités fondamentales qui font la supériorité d’une race dans la concurrence vitale et intellectuelle.

Le système des « muscles au repos » et de la « cervelle aux travaux forcés » est encore plus désastreux pour les femmes que pour les hommes. Les femmes sont, par excellence, un instrument de sélection naturelle, en raison des qualités ou des défauts qu’elles transmettent à leurs enfans. De plus, elles sont l’objet même de cette seconde forme de sélection dont Darwin a montré l’importance sous le nom de sélection sexuelle. Chez les animaux, en appariant les couples, la sélection sexuelle aboutit au choix et au triomphe des qualités les plus avantageuses à la race : beauté typique, vigueur, santé et fécondité. Dans le genre humain, la sélection sexuelle dévie souvent ; malgré cela, la loi favorable à l’espèce se maintient d’une manière générale. L’observation et la statistique, en effet, nous apprennent que, pour exciter l’amour et décider la sélection volontaire, les moyens les plus puissans chez la femme sont ceux qui naissent des avantages extérieurs ; en seconde ligne viennent ceux que fournissent les qualités morales ; les plus faibles sont précisément ceux qui tiennent aux attraits intellectuels ; encore ces attraits dépendent-ils beaucoup moins de l’instruction