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idées qui tendent à se réaliser dans les actes. Nous disons sans cesse : instruction ; d’autres peuples disent : culture, et ils ont raison. Le premier mot nous porte à considérer matériellement les choses apprises ; l’autre, le degré de fertilité acquise par l’esprit. L’éducation ne doit pas être une simple acquisition de savoir, mais une culture de forces vives, en vue d’assurer l’avantage aux idées-forces les plus hautes.


II

Après la sélection psychologique, intérieure à l’individu, nous devons considérer la sélection sociale, qui a lieu soit entre les individus différens, soit entre les races ou les peuples.

Il y a pour une race deux moyens essentiels de supériorité : l’un physiologique, l’autre psychologique. Avant tout, il faut qu’une race soit physiologiquement forte, et c’est ici seulement que les lois ordinaires de la sélection naturelle s’appliquent, parce que nous sommes dans le domaine de la vie. Il n’y a pas d’illusion idéaliste à garder : la mens sana ne peut exister que dans le corpore sano ; toutes les délicatesses de l’esprit ne valent pas, pour une race, la santé, la vigueur et, comme conséquence, la fécondité. Les génies mêmes ne peuvent naître que chez une race forte ; les facultés intellectuelles ne peuvent se maintenir longtemps et faire des progrès que chez une race forte ; enfin la sélection ne peut s’opérer et produire les élites naturelles, condition nécessaire de tout progrès, que chez une race féconde et nombreuse, par conséquent forte. Donc, toutes les fois que vous surmenée l’intelligence aux dépens du corps, vous abaissez le niveau physiologique de la race, et, par cela même, vous abaissez aussi le niveau intellectuel, car, tôt ou tard, les générations physiologiquement affaiblies verront s’affaiblir aussi, avec leur puissance cérébrale, leur capacité intellectuelle. Ce résultat, MM. Spencer et Guyau l’ont mis en pleine lumière. Les lois de l’hérédité sont fatales : léguer aux enfans des organes appauvris, c’est préparer ce que Pascal appellerait « l’abêtissement » de la nation pour une époque plus ou moins lointaine. Dans la lutte et la sélection des peuples à travers l’histoire, quand quelque sang jeune et parfois barbare n’est pas venu s’infuser au corps vieilli d’une nation, elle est tombée de plus en plus, s’est stérilisée, a disparu ou décliné tandis que les autres montaient.

L’instruction peut, selon nous, aboutir à deux sortes de résultats : soit à des effets dynamiques, c’est-à-dire à une augmentation de force cérébrale, soit à des effets purement mécaniques, comme la routine scientifique et littéraire. Dans le premier cas, elle agit